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by • 7 juin 2024 • Mes chroniques littérairesCommentaires fermés sur Essor Sarladais du 7 juin 2024.268

Essor Sarladais du 7 juin 2024.

LE MUR DE L’ATLANTIQUE.

Le Tour des Livres.

  Corinne Javelaud partage ses racines entre la Haute-Vienne, la Charente et la Dordogne, mais c’est en Gironde qu’elle situe son nouveau roman « Les Carnets de Laurel » paru chez Calmann-Lévy. L’action se déroule à Soulac, à l’époque de l’Occupation. La population vit sous l’emprise de la construction du mur de l’Atlantique par les Allemands : expulsions, réquisitions, répressions. Laurel, un garçon simple d’esprit, dont le père dirige une entreprise de construction, se promène un peu librement sur les plages. Il vient secourir la jeune Giverny Leroy dont il est secrètement amoureux. Les Leroy ont perdu leur villa, confisquée par les Allemands. Leur fils Jean-Paul s’investit dans la résistance, dans le réseau du colonel Rémy. Sa jeune sœur  Cora, fragile et passive, ne donne plus signe de vie. Giverny, chanteuse de jazz dans un cabaret de Bordeaux, ne se sent pas le courage de suivre son frère. Mais c’est la Résistance qui va venir à elle quand elle sauve et cache un enfant juif. Elle accepte ensuite d’espionner Rainer, un officier allemand au charme ravageur. Le roman s’articule autour d’une galerie de personnages bien campés et attachant. La guerre, l’Occupation, les bombardements sur Bordeaux, ne servent pas uniquement de toile de fond, mais forment une puissance cachée qui manipulent les destins. Un excellent roman sur cette époque troublée.

Pierre Bergounioux est un auteur trop rare, considéré comme un des plus talentueux écrivains français. Il pratique l’écriture comme la sculpture, et façonne les phrases et les mots comme d’autres la pierre ou le métal. Son œuvre vise à réconcilier la raison (il s’avoue admirateur de Descartes) et l’émotion sans laquelle la vie serait insupportable. Dans « Le Matin des Origines », paru chez Verdier, il explore ses doubles racines. Corrézien par son père et quercynois par sa mère, il va de l’une à l’autre. La Corrèze paternelle est mélancolique et pauvre, le Quercy porte le mythe de la mère aimée, de cette « maison rose » où affleurent les souvenirs d’enfance. Les racines sont comme un fleuve éternel qui, pour un court moment, nous constituent, nous offrant un temps retrouvé et la perpétuité de l’enfance. 

Il faut lire à la suite « Corrélations Corréziennes » de Michel Testut, publié aux éditions du Ruisseau. L’auteur périgourdin y avoue être né à Brive, et raconte ses voyages d’enfant quand, avec ses parents, « il montait en Corrèze ». La langue, le paysage, l’architecture, tout différencie ces deux départements si proches. Michel Testut nous livre une géographie intime, faite de mythologie familiale, où l’on croise Colette et Francis Poulenc. Chez le même éditeur, il vient de publier « Poétique des petits cimetières », où l’on retrouve les siens, disparus, dans le cimetière de Razac-sur-l’Isle, autour des rites liés au lieu (les fleurs de la Toussaint, les obsèques, la matérialité de la tombe). Parmi des réflexions qui évoquent les penseurs du Grand Siècle (La Bruyère, par exemple), on rencontre Brassens,  Baudelaire et Montaigne.

                                                                          Jean-Luc  Aubarbier.  

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