Une histoire d’amour et de montagne.
Le Tour des Livres.
Le roman de montagne est un genre à part, aujourd’hui un peu délaissé. Le récite héroïque de « Premier de cordée », de Frison-Roche reste un modèle. Avec « Les Flammes de pierre », paru chez Gallimard, Jean-Christophe Rufin nous révèle sa passion pour l’alpinisme, l’escalade, le ski. Rémy est un moniteur mondain, qui accumule les conquêtes auprès de ses riches clientes. Mais lorsqu’il croise la belle Laure, sa vie se transforme. Elle est aussi indépendante que lui et ils établissent une relation à égalité, sans dominant ni dominé. C’est la montagne qui les réunit ; elle devient le fond de toile sur lequel ils peignent leurs amours. Le style est tout en élégance et ressenti, les paysages, la nature y étalent leur beauté et leur indifférence envers le genre humain, espèce minuscule et fragile. La montagne y prend toute la place, mais elle devient l’écrin de leur fusion. Le reste, gestes d’affection, sentiment humain, y est dérisoire. Un des livres les plus réussis de l’ancien prix Goncourt, qui révèle des sensations proches de « La panthère des neiges » de Sylvain Tesson.
Née à Bruxelles d’une mère suisse et d’un père gabonais, Bessora a vécu en Europe, aux Etats-Unis et en Afrique. Cette citoyenne du monde consacre son dernier roman « Les Orphelins », édité par Jean-Claude Lattès, a un phénomène conséquence de la seconde guerre mondiale, celui des orphelins allemands adoptés par des familles sud-africaines. Wolf et Barbara sont jumeaux ; à huit ans, ils quittent Hambourg pour l’Afrique du Sud de l’Apartheid. Lothar et Michèle, les parents adoptifs, se sont assurés qu’ils sont bien aryens. Avec la naïveté de l’enfance retrouvée au soir de sa vie, Wolf raconte son existence déchirée entre plusieurs cultures. Il se sent coupable, car, même en quittant le racisme des Afrikaners pour revenir dans son pays d’origine, il garde l’idée d’une faute commise. L’éducation laisse des traces et le sentiment d’être assiégé par les autres cultures demeure. Un roman tout entier consacré à l’identité (ethnique, linguistique, sexuelle, nationale).
C’est dans la montagne vosgienne, où le narrateur a vécu son enfance auprès d’un oncle résistant, que Benoît Duteurtre situe le début de l’action de « Ma vie extraordinaire », édité par Gallimard. Les vacances du narrateur sont baignées par l’enchantement de la montagne proche, par sa grandeur. Devenu vieux, un peu réactionnaire, il ne supporte aucun changement, aucune perturbation dans sa routine, car il a appris à habiter la beauté du monde. Une réflexion sur la modernité et ses transformations à l’aube du XXI° siècle.
Chez Buchet-Chastel, Hervé Bougel publie « Belladone ». A la fin des années 60, dans une ville morne des Alpes surplombée par la montagne, un petit garçon observe les siens. Contrairement au roman précédent, son monde est laid. Un père malade, une mère autoritaire, un frère brutal et une sœur réduite au silence. Comment échapper à cet univers étouffant ? La belladone (dont le nom signifie la belle dame) est une plante qui peut soigner, mais aussi tuer.
Jean-Luc Aubarbier.
Essor Sarladais du 24 décembre 2021. Article suivant
Essor Sarladais du 14 janvier 2022.