L’ASSASSINAT DE ROLAND BARTHES.
Le Tour des Livres.
Non, « La septième fonction du langage », roman de Laurent Binet publié chez Grasset, n’est pas un nouveau thriller… et pourtant. Renversé par une camionnette, le 25 février 1980, le philosophe Roland Barthes va mourir quelques jours plus tard à l’hôpital. Et si on l’avait assassiné ? L’inspecteur Bayard, des R.G. entreprend une difficile enquête, d’autant plus qu’il ne connait rien au milieu intellectuel de cette fin du XXe siècle. Barthes avait-il des ennemis ? Beaucoup lui répond-on : Foucault, Deleuze, Althusser, Sollers, etc. Aussitôt les vedettes sont interrogées, avec les ménagements dus à leur rang. Mais qu’est ce que la sémiologie ? Bayard réquisitionne Simon Herzog, un jeune universitaire, pour l’aider à démêler les fils de l’intrigue. Car un document a bien été dérobé dans le portefeuille de Barthes, un traité sur la septième fonction du langage qui semble intéresser les services secrets bulgares, à une époque où communisme et maoïsme avaient encore un sens. L’enquête va mener Bayard sur les traces d’une mystérieuse société secrète : le logos club. « La septième fonction du langage » ? Un thriller linguistique.
Autre dossier brûlant : l’affaire Jésus. Croyant ou pas, l’homme et son œuvre sont passionnant. Chez de Fallois, Olivier Merle nous propose une approche rationnelle des évangiles avec « Le Fils de l’Homme ». Les aspects miraculeux sont évincés au profit d’un cadre historique rigoureux. L’auteur nous montre la cohérence de cet épisode minuscule au regard de l’empire romain, gigantesque pour le monde. Ce roman permet de comprendre le pourquoi de l’avènement du Christianisme ; la mise en scène du merveilleux permet de mettre en évidence le message d’amour et de justice qui va modeler le monde à venir.
Scénariste de cinéma, Alice Moine est un peu périgourdine ; elle possède une résidence secondaire en Sarladais. Elle vient de publier un excellent premier roman « Faits d’hiver » aux éditions Kero. Ce roman choral trace le portrait des dix habitants d’un immeuble qui vont connaitre un drame ; certains survivront, d’autres, pas. Tout commence avec la vieille madame Loiret, en charge d’un mari infirme, et qui peste après tous le monde. Sa grise vie lui pèse ; elle ouvre le gaz. Dans les appartements voisins, Béatrice visite un studio pour sa fille et se souvient de sa vie d’étudiante. En deuil de son demi-frère, Vincent est étouffé par l’omniprésence maternelle ; une femme consulte son psy ; Mina garde l’enfant d’une amie ; Carole fait le vide après une séparation. Mille et un petits faits divers personnels qui rendent vivant cet ouvrage empli d’humour et agréable à lire.
Le Canadien Lindwood Barclay nous propose la suite des aventures de son héros, gaffeur professionnel, avec « Mauvaise influence » paru chez Belfond. Le journaliste Zack Walker ne sait pas refuser un service, surtout quand il est demandé par Trixie, sa charmante voisine. Il n’hésite pas à utiliser les grands moyens pour empêcher Martin Benson de publier un papier sur elle. Tout s’emballe quand Benson est retrouvé mort, ce qui fait de Zack un parfait suspect. Surtout que Trixie a disparu mystérieusement.
Chez Actes Sud, Mathias Enard nous propose « Boussole », un des romans les plus réussis de cette rentrée. Le temps d’une nuit, Franz Ritter, musicien autrichien, revient sur ce qui l’attache à l’Orient. Il revit le long voyage qu’il a accompli d’Istanbul à Damas, jusqu’à l’Iran, à travers le désert. Sa quête reste Sarah, l’amour de sa vie, orientaliste passionnée. Le roman est aussi vivant que savant, aussi poétique qu’érudit. On ne peut s’empêcher de penser à une mille et deuxième nuit, à un conte porteur du rêve des Occidentaux pour l’Orient.
JEAN-LUC AUBARBIER.
DEBAT ALAIN SUBREBOST – JEAN-LUC AUBARBIER à Sarlat, le 6 novembre 2015 Article suivant
ESSOR SARLADAIS du 13 novembre 2015