UCHRONIE.
Le tour des livres.
En littérature, une uchronie consiste à réécrire l’histoire après avoir modifié le passé. « Fatherland » de Robert Harris (éditions Julliard) qui raconte le monde après la victoire totale des Nazis, reste un modèle du genre. Avec « Civilizations », paru chez Grasset, Laurent Binet imagine que les Vikings après leur découverte, s’installent durablement en Amérique et donnent aux indiens le métal et le cheval. Quant à Christophe Colomb, son expédition échoue et il abandonne sur les côtes de Saint-Domingue ses trois caravelles. Fuyant le Pérou à cause d’une guerre civile, l’inca Atahualpa s’empare des bateaux, embarque 183 guerriers et débarque à Lisbonne, ravagé par un tsunami. L’Europe est déjà affaiblie et divisée par les guerres de Religion. Atahualpa entreprend d’en faire la conquête et y impose sa civilisation, en se présentant comme celui qui va libérer le monde des rigueurs de l’Inquisition. Le ton ironique de l’ouvrage rappelle Voltaire, mais on peut regretter que ses Incas ne soient pas plus sud-américains que les Persans de Montesquieu ne sont perses. Les conquêtes sont un peu répétitives (Charles Quint et Luther sont tour à tour culbutés) et la cruauté sanguinaire du communisme à la manière inca, bien absente. Le roman s’achève avec l’intervention de Cervantès à Lépante, dans une bataille où chrétiens et musulmans s’opposent aux incas.
Il est toujours question de Cervantès avec l’auteur espagnol Andrès Trapiello qui a osé écrire une suite au « Don Quichotte », et en deux volumes. Publiés chez Quai Voltaire (et en poche à la Table Ronde), les romans rivalisent de virtuosités linguistiques, à la manière de Cervantès (le talent poétique de Trapiello est indéniable). « A la mort de don Quichotte » raconte les évènements qui suivent la disparition du chevalier à la triste figure, et en particulier les démêlés de son héritière, sa nièce Antonia, qui ne reçoit que des dettes, mais se console avec le bachelier Samson Carrasco. « Suite et fin des aventures de Sancho Panza » narre la vie du fameux écuyer, qui a bien du mal à reprendre une existence normale et ennuyeuse, et qui entreprend de venger son maitre qui fut la risée de tous.
« Rouge impératrice » de Léonora Miano, paru chez Grasset, renverse le cours des choses. Dans un futur indéterminé, l’Afrique a réalisé son unité ; elle est riche et prospère. Toute une population d’Européens a fuit le vieux continent pour trouver refuge en Afrique. Que faut-il faire d’eux ? Les renvoyer, propose Ilunga, le chef d’état. Pourquoi garder ces dégénérés inutiles. Mais Boya, son ardente maitresse, est d’un autre avis. Une utopie flamboyante qui pose une quantité extrême de questions (l’Autre, l’identité, les hommes et les femmes, etc).
Chez Robert Laffont, Jérôme Attal publie « La petite sonneuse de cloches ». En 1793, en exil à Londres, le jeune Chateaubriand, en visitant l’abbaye de Westminster, connait une brève aventure avec la jeune fille venue sonner les cloches de l’église. C’est ce qu’il raconte dans ses mémoires. De nos jours, Joe Stockholm, professeur de littérature, tente de démêler le vrai du faux. Il meurt avant d’achever son histoire et son fils, Joachim, se rend à Londres pour reprendre ses recherches.
Jean-Luc Aubarbier.
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