CHRONIQUE LIMOUSINE.
Le Tour des Livres.
Bien que née en région parisienne, Françoise Chandernagor, membre de l’Académie Française, revendique fortement ses racines creusoises ; elle les expose dans « L’or des rivières » paru chez Gallimard. Héritière d’une lignée de ces maçons creusois qui ont construit Paris et revenaient chaque été à la ferme familiale, elle a gardé une maison dans cette campagne : une île hors du temps, en plein milieu de la « diagonale du vide ». Son récit, empli de poésie, est un texte somptueux, un chant d’amour pour un pays méconnu. Elle y raconte, un peu à la manière de Pagnol, ses souvenirs d’enfance, ses vacances rurales à travailler à la ferme. Les arbres, les sources, la nature, les légendes s’alternent au fil des pages. Mais la Creuse n’est pas que ruralité. C’est, tout autant que le Berry, le pays de cœur de George Sand. C’est aussi la province qui a vu naitre l’Impressionnisme, avec l’école de Crozant où débuta Claude Monet. « Eux savaient où était caché l’or vrai et ils promettaient qu’un jour ils reviendraient vers leurs landes familières, reviendraient dans leur village sans route, perdu entre Limoges et Clermont, pour y contempler chaque été et jusqu’à en être aveuglé, les paillettes de soleil que nos vents fous arrachent aux rivières. »
Gilbert Bordes situe dans un village imaginaire de sa Corrèze natale son roman « Docteur Mouche », publié aux Presses de la Cité. Lorsqu’il revient au pays pour prendre son poste d’instituteur, Louis est abordé par l’homme condamné pour avoir assassiné sa mère. Gabriel Lerrainé, surnommé docteur Mouche pour sa passion de la pêche, était l’amant de Julie Lespiaud. Après des années de prison, déchu, rayé de l’Ordre des médecins, il a sombré dans l’alcoolisme. Il a pourtant clamé son innocence et les villageois culpabilisent de ne pas avoir pris la défense d’un docteur connu pour son dévouement. Mouche parvint à convaincre Louis de son innocence et les deux hommes se mettent en quête de la vérité, devant la levée de bouclier de la communauté qui ne veut pas voir se rouvrir d’anciennes blessures. Un roman qui dévoile la philosophie de la pêche à la mouche (comme dans le film de Robert Redford « Et au milieu coule une rivière »)
Originaire de Limoges, Martine Janicot-Demaison explore sa généalogie paternelle, qui traverse l’Histoire de France, avec « Les Rebelles du Puy-Saint-Front », paru chez Geste. Partant de l’humble Jacques Ducros, cantonnier au XIX° siècle, elle remonte jusqu’à Guillaume le Conquérant, roi d’Angleterre, en passant par René de Loménie, redoutable notaire royal sous Henri IV et Boson de Barrière, seigneur périgourdin de la guerre de Cent Ans. « Tout homme descend à la fois d’un roi et d’un pendu » écrivait La Bruyère.
Actrice de renom, Anny Duperey vit discrètement en Creuse où elle se consacre à l’écriture. Son dernier roman, paru chez Seuil, « Le Tour des Arènes » est une psychanalyse sauvage en forme de conte. Taraudé par un problème d’enfance qu’elle n’a jamais eu le courage d’éclaircir, Solange a rompu avec sa famille et maltraite son charmant mari. Lors d’un voyage à Nîmes, elle croise une clocharde qu’elle est persuadée d’avoir connue sous un meilleur jour. Aidée par cette femme et par deux bateleurs, elle va changer sa vision du monde.
Jean-Luc Aubarbier.
Essor Sarladais du 24 mai 2024. Article suivant
Conférence à Belvès, le 8 juin 2024.