Quand le passé rattrape le présent.
Le Tour des Livres.
Favori pour les grands prix littéraires, Jean-Baptiste Del Amo explore le retour d’un père dans une famille monoparentale avec « Le fils de l’homme », paru chez Gallimard. Le premier chapitre surprendra le lecteur : une chasse préhistorique. Mais il s’agit de la première proie tuée par un adolescent, avec l’aide de son père. Le ton est donné, on va parler des racines, du cycle de la vie. De nos jours, un homme retrouve sa compagne et son fils de neuf ans qu’il n’a pratiquement jamais vu. Il les entraine dans la montagne pyrénéenne (identifiée grâce à l’ours), dans la ferme familiale à l’abandon. Il entreprend l’éducation de son fils, comme le ferait un survivaliste américain, dans une nature sauvage, inquiétante, vivante (on songe au poème de Victor Hugo « A Albert Dürer »). Pourquoi le père camoufle-t-il sa voiture ? Pourquoi a-t-il entassé des provisions dans la maison des Roches ? Pourquoi a-t-il une arme ? La Force du père entraine tout sur son passage, rien ne saurait lui résister ; il est parti pour ne plus revenir. L’enfant qui vivait jusque là une existence fusionnelle avec sa mère, découvre le monde à travers le regard de ce père inconnu. Un roman captivant écrit dans un style magnifique.
Avec « La carte postale », publié chez Grasset, Anne Berest livre un poignant roman familial. Tout commence avec une mystérieuse carte postale reçue par la mère de la narratrice en 2003. Elle ne comporte que quatre noms, ceux de ses grands-parents et d’un oncle et une tante, disparus à Auschwitz. Dans une première partie, l’auteure raconte le périple de sa famille maternelle, partie de Russie pour la Pologne, puis la Palestine avant de s’établir en France. Ensuite se sera l’Occupation, l’arrestation, les camps en France. Seize ans après la réception du mystérieux courrier, la réflexion de sa fille : « à l’école, on n’aime pas trop les Juifs », la pousse à retrouver cette carte postale et à mener une enquête pour en identifier l’expéditeur anonyme. Issue d’une famille plus politique que religieuse, elle va redécouvrir sa judaïté et en chercher le sens.
C’est une fresque romanesque puissante que nous propose le grand reporter Christophe Naigeon avec son deuxième roman « Mamba Point Blues » paru aux Presses de la Cité. C’est avec l’Afrique au cœur qu’il écrit, et les rythmes de jazz et de blues dans l’oreille. En 1918, Jules, joueur de djembé, a été tiré de son Sénégal natal pour se battre en Argonne. Bercé par le souvenir d’un grand amour, il gagne l’Amérique des Années Folles, découvre le racisme du Sud, triomphe au Cotton Club à New York. Joséphine Baker le ramènera en France avec sa Revue Nègre. Il se lie d’amitié avec l’écrivain-espion Graham Greene et participe avec lui à une dangereuse mission en Afrique. L’aventure s’achèvera au Libéria, le pays qui a voulu redonner des racines aux descendants d’esclave. Un rêve devenu cauchemar.
A La Table Ronde, Jérôme Leroy nous propose « Vivonne », un roman aussi poétique qu’apocalyptique. Le réchauffement climatique produit ses effets et la France s’effondre sous les ouragans et les catastrophes. Politiquement, c’est le chaos : extrémistes et salafistes se partagent le pouvoir. Depuis son bureau parisien, l’éditeur Alexandre Garnier contemple le désastre. Il songe à un poète rimbaldien qu’il a édité autrefois : Adrien Vivonne, et qui a mystérieusement disparu. Et si la beauté inaltérable de ses vers recélait la solution aux malheurs du monde ? Garnier et quelques groupes féministes se lancent sur les traces du poète.
Jean-Luc Aubarbier.
Essor Sarladais du 22 octobre 2021. Article suivant
DINER LITTERAIRE PARIS 9 novembre 2021.