Comme un air d’Irlande.
Le Tour des Livres.
« La famille Bélier » se sera plus seule à faire la promotion de Michel Sardou. Avec son dernier roman, intitulé « Connemara » (paru chez Actes Sud), le prix Goncourt 2018 Nicolas Mathieu vient mettre un pied dans la nostalgie. Hélène a quitté la petite ville de Cornécourt, dans l’Est de la France, pour Paris puis Nancy. Elle a vite compris que, pour échapper à l’ennui de la province, fuir des parents qui lui font un peu honte, il fallait faire de belles études. Elle a réussi : un bon métier, de l’argent, un mari cadre supérieur, deux enfants. Mais elle traine un sentiment d’insatisfaction dans cette compétition professionnelle incessante, avec ses coups bas, son machisme. Christophe n’a jamais quitté Cornécourt. Quand il était au lycée, toutes les filles (dont Hélène) en étaient amoureuses. Il était la vedette de l’équipe de hockey (dans le Sud-Ouest il aurait joué au rugby). Puis il a vieillit, prit un métier alimentaire, eut un fils avec la belle Charlie qui l’a quitté. Grâce au réseau internet, ils vont se retrouver. Hélène veut vivre cette histoire d’amour qu’elle a raté à 16 ans ; Christophe veut croire en une dernière chance (aussi bien sur la glace que dans sa vie). Danser à nouveau un slow sur l’air de Connemara…. On se retrouve du coté de chez Swann (celui de Dave, pas celui de Proust). On donnerait cher pour revivre un seul instant le temps du bonheur…. Mais personne ne veut faire le chemin à l’envers, et chacun restera dans son monde.
Goncourt du premier roman 2020, la Bordelaise Maylis Besserie nous propose, avec « Les amours dispersées » chez Gallimard, un récit d’outre-tombe, un voyage des morts. A Roquebrune, Madeleine enterre sa voisine, une vieille dame morte dans son sommeil. Au même moment, la radio révèle un mystère : Yeats, le poète irlandais, mort et enterré à Roquebrune en 1939, dont le corps a été rapatrié dans sa ville d’origine Sligo, en 1948, serait peut-être toujours là. Il n’est pas certain que l’on ait choisi le bon squelette. William Butler Yeats, prix Nobel de littérature, prend lui-même la parole. C’est un homme étrange, épris d’ésotérisme (je l’ai mis en scène dans mon thriller « Le complot de l’Aube Dorée » dont il fut le Grand Maître). « Les amours dispersées » est un roman initiatique où l’on s’interroge sur ses morts et sur la quête de soi. Par-delà cette balade irlandaise, Maylis Besserie nous offre une écriture musicale, des mots sonores, hérités de ses grands-mères occitanes.
C’est un autre prix Nobel de littérature, édité chez Gallimard, le Turc Orhan Pamuk qui nous propose un splendide roman sur la fin de l’empire ottoman : « Les Nuits de la peste ». En 1901, une délégation rentre de Chine, rassemblée autour de Bonkowski Pacha. Par crainte de la peste à bord, le bateau ne peut accoster à Istanbul et Bonkowski est retrouvé assassiné dans sa cabine. L’enquête va entrainer le lecteur dans un foisonnement d’aventures, mais l’interrogation nous taraude par son actualité. Faut-il confiner les habitants ? On se retrouve proche de Camus.. et du Covid. Les problèmes religieux ne tardent à se mêler à l’affaire : la plupart des médecins sont chrétiens et les musulmans refusent que leurs femmes soient examinées par eux. La pandémie est toujours un bon sujet pour mettre en évidence les drames humains et leur absurdité.
Jean-Luc Aubarbier.
Journée d’animation à Jugeals-Nazareth (Corrèze) le samedi 7 mai 2022. Article suivant
LIRE A LIMOGES, du 13 au 15 mai 2022.