Le Tour des Livres du 28 mars 2014.
LE CLOÎTRE DES SIMPLES
Le Tour des Livres.
Avec « Le Cloître des Simples », publié chez Lucien Souny, la Périgourdine Adeline Yzac s’invite dans un nouveau genre, celui du roman noir, avec une belle réussite. Devenue gendarme d’élite, Elina retourne dans sa famille, en Périgord, pour l’enterrement de sa sœur, sauvagement assassinée. Refusant, dans un premier temps, de se mêler de l’enquête, elle se demande pourquoi Marguerite, cette sœur de onze ans son ainée (trop pour être une amie, pas assez pour être une mère), est restée si distante avec elle. Pas d’affection, peu de contact avec celle qui n’aimait rien tant que lire et marcher. Ayant héritée d’elle un vieux château en ruines, Elina s’aperçoit qu’un adolescent un peu simple, Louis, en sait beaucoup sur Marguerite et sur les souterrains qui creusent le sol des bâtiments. Elina ne veut pas enquêter, mais l’enquête va la rattraper. Ce drame familial est servi pas un beau style, travaillé et ciselé et nous offre un thriller psychologique et paysan de la meilleure eau.
Beau style, poésie et spiritualité sont au rendez-vous du dernier livre de Christian Bobin, publié chez Gallimard, « La Grande Vie ». Critiquant la modernité où « le monde a tué la lenteur », l’auteur tente de découvrir l’éternité dans le quotidien, grâce aux poètes qui nous saisissent hors du temps. Marceline Desbordes-Valmore, Junger, Pessoa, Dhôtel, Mallarmé, tout un florilège de poètes appelés à la rescousse pour découvrir le temps absolu.
Les éditions Héloïse d’Ormesson ont publié le beau roman de Nicolas Barreau, intitulé « Le sourire des femmes ». Aurélie, qui vient d’être abandonnée par son compagnon, découvre dans une librairie, un roman qui parle d’elle, de son restaurant, de sa vie. Sauvée du désespoir par cette lecture, elle part à la recherche de l’auteur, le très mystérieux Robert Miller. En fait Robert Miller n’existe pas. Mis au défi de publier un best seller, l’éditeur André Chabanais est l’auteur du « Sourire des femmes ». La rencontre va s’avérer bien différente de ce qu’Aurélie attendait.
C’est également à un beau jeu d’écriture que s’est livré André Rollin, avec « L’Assassinat d’Elsa », publié au Cherche-Midi. Louis Aragon ne supporte plus les yeux d’Elsa Triolet. Pour se libérer de cet amour étouffant, il rédige sous une fausse identité, un roman où il imagine l’assassinat d’Elsa. Quoi de vrai, quoi de faux dans cet exercice littéraire, ce polar dont le mobile est l’écriture, et le policier, un écrivain qui se venge par la plume de ses difficultés de création ?
Chez le même éditeur, Philippe Tabary nous plonge dans l’univers de la guerre de 14, avec « Pleurs au fusil ». A la manière du « Monument », de Claude Duneton, l’auteur a choisi les 41 noms qui ornent le monument aux morts de son village, pour nous faire revivre le départ enthousiaste des jeunes conscrits et des réservistes, puis la désillusion, la souffrance, de ceux qui vont se retrouver enfermés pendant des années dans les tranchées. Situé à la frontière belge, le village sera occupé par les Allemands et les civils connaitront, eux-aussi, la peur et les privations. Cinquante-deux mois de deuil quotidien.
Périgourdin d’origine, Charles Beyne publie, aux éditions du Panthéon, « A l’ombre du Merlion ». Cité-Nation, Singapour fascine le voyageur par sa modernité et ses traditions, et la multiplicité des ethnies qui composent sa population. Le commissaire Paul Comerton enquête, à Paris, sur l’assassinat d’un ressortissant chinois. Hueng Khan, la victime, est soupçonné d’avoir appartenu à une célèbre Triade de Canton. L’enquête nous fera voyager d’Occident en Orient et des certitudes de la pensée cartésienne aux méandres de la philosophie confucéenne.
Un clin d’œil, pour terminer, sur le minuscule et charmant ouvrage de Catherine Guennec, publié chez First « Le petit livre des grandes histoires d’amour ». Un voyage à travers des siècles de passions et d’infidélités.
JEAN-LUC AUBARBIER.
La Montagne, 23 mars 2014. Article suivant
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