Entre l’amour et l’amitié.
Le Tour des Livres.
L’amour est-il immortel ? Deux êtres qui s’aiment peuvent-ils se retrouver à travers les siècles, en suivant la migration des âmes ? Tel est le sens du beau roman de Nathalie Bauer, publié chez Philippe Rey « Qui tu aimes jamais ne perdra ». Corvus, citoyen romain, et Chloé, esclave affranchie, s’aiment tendrement et éperdument. Nous sommes à Rome, à l’époque de Néron, et il est dangereux d’être chrétiens, une religion qui prône l’agapé, l’amour inconditionnel, même s’ils partagent l’idée antique de la réincarnation. Le hasard va les réunir à travers les siècles. Ils vont s’aimer à nouveau dans une abbaye en Suisse, au moyen-âge, puis dans l’atelier de Rembrandt, à Nijni-Novgorod en 1795, dans l’Angleterre victorienne et les tranchées de 1914. Les arts poursuivent la jeune musicienne de l’antiquité : enluminure, peinture, poésie, romans. Leurs amours sont tantôt charnelles, tantôt spirituelles. L’auteure use d’un style qui évolue selon l’endroit et le temps. La première partie est antique (on songe aux « Mémoires d’Hadrien » de Yourcenar), puis médiévale, à la manière d’Umberto Eco. On sent l’influence de Dostoïevski et des romans britanniques du 18° siècle. Une vraie réussite.
Décédée en 2019, Dominique Dussidour nous laisse un roman posthume, « La nuit de Gigi », édité à la Table Ronde. Dans un Paris décrit avec une précision extrême, cinq amis partagent une longue histoire depuis l’enfance. Ils ont vingt ans et doivent se rejoindre pour assister à la projection d’un documentaire expérimental réalisé par l’un d’eux : Honoré. Mais Gabrielle, qui est devenue sa compagne, manque au rendez-vous. Leo et Lola, les deux jumeaux, et Yolande, la confidente de Gabrielle, ne savent rien. Gabrielle a disparu. Le roman remonte l’histoire de la jeune femme, sa naissance sans paternité : sa mère, Gigi, a aimé trois hommes en même temps. Puis ses problèmes de couple avec Honoré. On attend Gabrielle, comme on attend Godot, en visitant le Paris de leur enfance.
Directement inspiré des »Illusions perdues » auquel il emprunte son titre, « Les Petits Farceurs », de Louis-Henri de La Rochefoucauld, publié chez Robert Laffont, raconte l’ambition de Paul Beuvron à devenir un auteur important. Mais le jeune provincial se perd dans les méandres de l’édition parisienne et ne pourra devenir que le ‘nègre’ d’un homme politique. Le narrateur, son ami Henri, rencontré sur les bancs d’une prépa littéraire, reste réaliste et se contente du métier de journaliste. L’histoire finit encore plus mal que chez Balzac.
Chez le même éditeur, Arthur Dayras publie un premier roman prometteur « Que brûle la nuit ». A travers les rues de Lille, peintes avec une sensibilité poétique, Victor et Jules, son ami, oscillent entre leurs études d’architecture et la tournée des bars de la ville. Froid dehors, chaud dedans. Lorsqu’il rencontre Fleure, future institutrice, Victor veut croire à la passion amoureuse. Mais elle ne se décrète pas.
Jean-Luc Aubarbier.



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