LE ROYAUME D’EMMANUEL CARRERE.
Le Tour des Livres.
Il n’est pas étonnant que le livre le plus attendu de cette rentrée littéraire soit un gros ouvrage consacré à l’histoire et aux prédications de saint Paul ; l’ambiance est à la religion. Dans « Le Royaume », édité chez P.O.L, Emmanuel Carrère nous propose une lecture décalée et humoristique, tout en étant très sérieuse, de l’évangile de Luc, des actes des apôtres et des épitres de Paul. « A un moment de ma vie, j’ai été chrétien. Cela a duré trois ans. C’est passé » nous dit l’auteur qui souhaite revenir sur cet épisode, non au travers de la foi, mais de la littérature. Paul, un juif hellénisé, et son secrétaire Luc, un Grec judaïsé, vont transformer le cercle juif qui s’était créé autour de Jésus, en une nouvelle religion qui va, progressivement, conquérir l’empire romain. On découvre les disputes, souvent violentes, entre les tenants d’une ligne purement juive, et les novateurs, qu’Emmanuel Carrère compare, avec bon sens, aux affrontements entre Lénine, Staline et Trotski. On comprend mieux comment va naitre l’antisémitisme : d’une culture grecque qui rejette les ‘barbares’ juifs. Il reste néanmoins un magnifique message d’amour (« S’il me manque l’amour, je ne suis rien ») et une voie spirituelle, donnée par Jésus lui-même « cherchez le Royaume et le reste vous sera donné par surcroit ».
Chez Seuil, Lydie Salvayre nous propose une approche à deux voix de la guerre d’Espagne : celle de Bernanos, catholique et monarchiste, scandalisé par les atrocités commises par les troupes franquistes, et qui choisit le camp républicain, et celle de Montse, la mère anarchiste de la narratrice. La vieille dame a tout oublié de son existence, tout sauf cette période de 1936 où, pendant quelques mois, elle a cru à l’impossible : la justice absolue, l’amour libre. Son frère Josep, a ramené de la ville (Lerida) des idées révolutionnaires dans son petit village où tout est la propriété de don Jaume. Montse va épouser Diego, le fils de don Jaume, qui a rallié le Parti Communiste. Les divisions politiques et la réalité économiques auront raison des utopies. Tandis que Bernanos (fils spirituel du Périgourdin Léon Bloy) écrit « Les grands cimetières sous la lune », Montse émigre en France et est interné au camp de Mauzac.
Chez le même éditeur, c’est un autre voyage en politique que nous propose Patrick Deville, avec son roman « Viva ». En brefs chapitres, fourmillant d’anecdotes, il fait coïncider les faits historiques et les hasards, pour peindre le Mexique des années Trente, à travers deux hommes peu ordinaires. Léon Trotski, qui fuit Staline, organise la IVe Internationale, avant d’être assassiné. Le romancier Malcolm Lowry, à Cuernavaca, rédige « Au dessous du volcan », dans des vapeurs d’alcool fort. D’illustres personnages se croisent également : Frida Kahlo, Diego Rivera, André Breton, Antonin Artaud, en une formidable danse macabre, bien dans l’esprit du pays.
Chez Calmann-Lévy, la Périgourdine Martine Delomme publie « Un automne en clair-obscur ». Femme épanouie, Claire a refait sa vie avec un entrepreneur de Brive dont elle porte l’enfant. Mais, victime d’un grave accident de chasse, Henri est plongé dans un coma peut-être irréversible. Arrive alors Olivia, la première épouse d’Henri, qui exige que l’on arrête l’assistance respiratoire. Elle va s’employer à détruire sa rivale pièce par pièce, lui faisant perdre son travail, sa maison. Claire trouve de l’aide auprès de Charles, un jeune avocat qui entreprend de défendre ses droits. Mais elle n’est pas au bout de ses surprises.
Chez le même éditeur, la Charentaise Marie-Bernadette Dupuy nous emmène au Québec avec « Les marionnettes du destin ». En 1942, Toshan, un jeune métis indien, s’embarque pour faire la guerre en Europe. Hermine, son épouse, qui doit affronter plusieurs décès dans sa famille, tente de le rejoindre. Elle gagne la France occupée où elle exerce, dans des cabarets, son métier de chanteuse.
JEAN-LUC AUBARBIER.
ESSOR SARLADAIS du 19 septembre 2014 Article suivant
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