UNE LOGE MACONNIQUE DANS UN CAMP NAZI.
Le Tour des Livres.
La rumeur courrait qu’elle avait existé ; on en parlait à mots couverts, Christian Jacq en avait fait le thème de son roman « Le moine et le vénérable ». C’est une toute jeune franc-maçonne belge, Catherine Teman qui a couché sur le papier le dernier témoignage de Franz Bridoux, pour écrire « Liberté chérie », aux éditions La Boite à Pandore. La loge « Liberté chérie » fut créée en novembre 1943, au sein du camp de concentration d’Esterwegen, par des francs-maçons emprisonnés. Ils étaient juge, pharmacien, avocat, médecin, professeur, journalistes, les 7 frères fondateurs, arrêtés pour fait de résistance, et qui, une nouvelle fois, risquaient leur vie pour allumer une lumière d’espérance. Découverts, c’étaient l’exécution immédiate. On imagine la lumière tremblante des bougies, la loge tracée à l’aide d’une craie dérobée, le rituel récité avec le cœur. Aucun moment ne pourra jamais être comparé à celui-là. La loge « Liberté chérie » a fonctionné jusqu’au 15 avril 1945.
Même époque, mais autre personnage remarquable, « Kouri » de Dorothée Werner, publié chez Jean-Claude Lattès, nous fait revivre un épisode de la grande résistante et humaniste Germaine Tillion. Rescapée de Ravensbrück, elle est appelée, en 1950, à témoigner au procès de deux anciennes gardiennes du camp, accusée de meurtre. Antonia et Grete, bien sur, ont maltraité les prisonnières, les ont humiliées et faites souffrir. Mais Kouri (le nom de résistante de Germaine Tillion) sait qu’elles sont innocentes du crime. C’est le seul chef d’accusation et si elle témoigne, les deux tortionnaires seront libérées. Parce qu’elle ne transige jamais avec la justice et la vérité, qu’elle est entrée en résistance pour cela, Germaine Tillion parle. « Dans les hautes aventures de notre espèce, c’est sur le cœur qu’il faut miser »
A l’occasion de l’entrée au Panthéon de Germaine Tillion et de Geneviève de Gaulle-Anthonioz, les éditions Plon éditent, sous le titre « Dialogues », la correspondance de ces deux femmes exceptionnelles. Résistantes, elles firent connaissance dans le train qui les entrainait vers Ravensbrück. Survivantes, elles consacrèrent le reste de leur vie aux causes humanitaires, sans concession ni hésitation. C’est Isabelle Anthonioz-Gaggini, fille de Geneviève et filleule de Germaine, qui a réuni ce document exclusif.
C’est dans le Paris de l’Occupation et de l’immédiate après guerre que nous entraine la Dommoise Béatrice Commengé avec « Le Paris de Modiano », dans une toute nouvelle collection aux éditions Alexandrines. La promenade est belle, un peu floue, comme le style du prix Nobel qui épouse joliment celui de Béatrice. Beaucoup de commerces ont fermé, des immeubles se sont construits, des rues ont changé de noms, mais le lecteur chemine avec délice sur les souvenirs d’enfance du jeune Parisien qu’il découvre par couches successives. Cette géographie littéraire restitue le 15 quai Conti et le marché noir auquel se livrait le père, le chemin de l’école aux cotés du frère si tôt disparu, presqu’effacé. Un régal !
« Camarade, la lutte continue ! », le cri des résistants communistes, à la fin du conflit, est devenu le titre de l’enquête historique exceptionnelle que nous livrent Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre aux éditions Robert Laffont. Après la guerre, de nombreux résistants communistes étrangers, membres des FTP-MOI, ont rejoins l’URSS et participé activement à l’instauration des dictatures d’Europe de l’est. Certains s’engagèrent dans les sinistres polices politiques, d’autres espionnèrent l’Ouest au profit de Moscou. Aux plus belles heures de la Guerre Froide, l’URSS sut recruter parmi les anciens combattants de la liberté pour tenter d’instaurer la dictature du prolétariat.
JEAN-LUC AUBARBIER.
ESSOR SARLADAIS du 12 JUIN 2015. Article suivant
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