CULPABILITE ET REMORDS.
Le Tour des Livres.
Excellent premier roman que nous livre le très jeune Victor Jestin, avec « La chaleur » chez Flammarion. Léo, le narrateur, est un adolescent renfermé, mal dans sa peau, bref, un adolescent qui traine son ennui. Résident dans un camping des Landes avec ses parents, un soir, il voit Oscar, un de ses camarades, s’étrangler avec les cordes d’une balançoire. Il le regarde sans bouger, n’interviens pas. Pire, il enterre le corps dans la dune. Les jours suivant, tandis que la bande de lycéens se demande où est Oscar, puis passe à autre chose, il s’interroge sur le pourquoi de son geste. Etait-il jaloux d’Oscar qui avait embrassé Luce, une fille qu’il désirait en secret ? Est-il un monstre, lui qui croit qu’aucune fille ne veut de lui ? D’ailleurs, depuis l’évènement, il en rencontre, des filles. L’acte l’a-t-il libéré de ses obsessions ? Mais le sentiment de culpabilité le rattrape. Il rêve de déterrer le corps, d’avouer le crime de non-intervention. Un style sec, minimaliste et beau comme une haine accumulée depuis longtemps. Un roman court qui évoque « le cœur révélateur », d’Edgar Poe.
Pax, le héros du roman « Les guerres intérieures » que Valérie Tong Cuong publie chez Jean-Claude Lattès, est un acteur de seconde zone. Enfin, un grand metteur en scène lui donne sa chance. Au moment où il s’apprête à quitter son appartement, il entend des cris, le bruit d’une bagarre chez son voisin du dessus. Redoutant de rater ce rendez-vous qui doit le rendre célèbre, il n’intervient pas. Il découvre plus tard qu’un étudiant, Alexis, a été agressé et grièvement blessé, au point de rester infirme. Plus tard, il rencontre Emi, une Eurasienne dont il tombe follement amoureux. Il découvre avec effroi qu’elle est la mère d’Alexis. Comment ne pas gâcher son amour ? Il essaie de se convaincre de son innocence. Mais Pax est acteur, il se demande aussi s’il vit réellement son existence et ses sentiments, ou s’il se contente de les jouer. Il va enfin accepter de rencontrer Alexis, et tente de redonner le goût de vivre au jeune homme obsédé par la question : pourquoi moi ? Avec sa belle écriture, ciselée et travaillée, Valérie Tong Cuong nous promène dans les méandres de l’âme humaine.
Chez X.O. Xavier Müller publie un terrible roman de science fiction : « Erectus ». En Afrique du Sud, un homme étrange vient de naître, il a la mâchoire prognathe, il est couvert de poils. Il n’apprendra jamais à parler. Bientôt on signale d’autres cas dans le monde. Ces êtres ont toutes les caractéristiques de l’Homo Erectus, cet ancêtre de l’homme moderne qui vivait il y a 800.000 ans. L’espèce humaine connaitrait-elle une régression qui la ramènerait vers son passé ? Tandis qu’Anna Meunier se lance dans une recherche scientifique pour trouver la cause du phénomène, d’autres, plus radicaux, posent la terrible question. Les Erectus sont-ils des humains ? Est-ce un crime que des les tuer, pour protéger notre race ? Une question que se posait déjà Vercors dans son roman « Les animaux dénaturés ».
Est-on coupable de tromper son conjoint ? Faut-il avouer ses fautes ? Telles sont les questions que pose Marco Missiroli dans son roman « Chaque fidélité » paru chez Calmann-Lévy. Carlo et Margherita s’aiment et forment un couple uni. Mais l’usure guette. Carlo est surpris en compagnie de Sofia, son étudiante. Il restera marqué par cette faute. Margherita, elle-aussi, va céder à la tentation ; mais elle se gardera bien d’en parler, même quand elle se retrouvera enceinte. A-t-elle assez entendu les reproches de sa mère, Anna, qui supposait que son mari lui avait été infidèle ? Un roman tendre et subtil sur l’amour et le désir.
Jean-Luc Aubarbier.
Essor Sarladais du 18 octobre 2019. Article suivant
Conférence à Saint-Sozy (Lot) le 22 novembre 2019.