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by • 3 octobre 2020 • Mes chroniques littérairesCommentaires fermés sur Essor Sarladais du 2 octobre 2020.1138

Essor Sarladais du 2 octobre 2020.

DE SANG ET D’ENCRE.

Le Tour des Livres.

Roman étourdissant, qui navigue sur le fleuve de l’Histoire, de la philosophie et de la mémoire des hommes, « De sang et d’encre », de l’Américaine Rachel Kadish, publié au Cherche-Midi, va marquer les esprits des lecteurs, en cette rentrée littéraire. Professeur d’université, Helen Watt se voit confier la mission d’étudier des feuillets rédigés en hébreu, à Londres, au XVII° siècle. Aidée par Aaron, aussi jeune et libre qu’elle est âgée et rigide, elle se plonge dans ce texte mystérieux, signé de la seule lettre : aleph. Le lecteur découvre l’histoire des Juifs anglais, chassés par le roi Edouard 1° en 1290, dont les descendants ne pourront revenir sur leurs terres qu’en 1656. Expulsés d’Espagne et du Portugal, ils passeront par les Pays-Bas, où ils croiseront le chemin du rationaliste Spinoza, pour revenir enrichir de leurs pensées le royaume de Grande Bretagne. Le mélange des cultures chrétiennes et juives donnera naissance, à travers la franc-maçonnerie, aux Lumières et à la première démocratie parlementaire. Mais qui est Aleph ? Helen Watt et Aaron vont s’en convaincre. Malgré l’interdit fait aux femmes de commenter le Talmud, c’est bien Ester Vasquez, secrétaire cultivée d’un rabbin aveugle, qui est l’auteure de ces pages intelligentes et raffinées. Le roman propose aussi une réflexion sur la lecture d’un texte, et les différents sens qu’il peut prendre selon son lecteur et l’époque où il est lu.

Tout aussi cultivé est le roman de Dai Sijie, « Les caves du Potala », publié chez Gallimard. Il nous entraine au Tibet, en 1968, en pleine Révolution Culturelle. Le pays du bouddhisme a été annexé à la Chine et subit une conversion brutale et sanguinaire au communisme. Les Gardes Rouges, de jeunes gens fanatisés, font régner la terreur. Tout le passé doit disparaitre. Le vieux peintre Bstan Pa a œuvré pour les deux derniers Dalaï Lama. Il est lui-même moine et empreint de spiritualité. Le chef des Gardes Rouges de Lhassa, surnommé le Loup, jeune homme brutal et inculte, veut lui faire avouer des crimes imaginaires. Pour oublier les tortures, Bstan Pa se souvient de son passé, d’une époque où régnait l’harmonie. Le roman parcourt l’histoire du Tibet et oppose la violence et la cruauté de la jeunesse à la sérénité paisible du grand âge, le respect de la vie à l’instinct de mort, la sauvagerie du matérialisme à la beauté de la spiritualité. 

Chez le même éditeur, Gilbert Sinoué, écrivain francophone né au Caire, publie « Le Faucon ». C’est un conte à la belle écriture qui raconte la naissance d’un royaume dans le désert. Il n’y avait rien, rien que du sable et la soif. La légende dit qu’on y trouva le cadavre d’un voyageur et de la gazelle qu’il poursuivait. Mais la volonté opiniâtre d’un homme, Cheikh Zayed, qui met son courage, son honneur et ses valeurs au service d’un rêve, vont faire naitre une ville, humble d’abord, puis grandiose. Les Emirats Arabes Unis voient le jour.

Le premier roman du Bruxellois Sylvestre Sbille, publié chez Belfond, est une réussite. « J’écris ton nom » (titre emprunté au poème Liberté de Paul Eluard) nous entraine sur les pas de Youra, un jeune médecin, belge et juif, interdit d’exercer par les Nazis. Il est convaincu qu’un destin l’attend, et qu’il doit assumer de devenir un héros, avec toutes les souffrances et les sacrifices que cela suppose.  En avril 1943, il entre en résistance et tente l’impossible : arrêter un train en partance pour les camps d’extermination. Un roman où l’action cède souvent la place à la réflexion sur cette action, une pensée toute empreinte de magie et de fureur de vivre.

                                                                                      Jean-Luc  Aubarbier.

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