Histoire et légende.
Le Tour des Livres.
Une histoire héroïque qu’il convient de rappeler et une légende qui, peut-être, est vraie (comme toutes les légendes), tel est le projet littéraire de Jean-François Roseau dans son roman biographique « La Chute d’Icare », publié chez de Fallois. Le nom de capitaine Albert Preziosi ne dit pas grand-chose au lecteur d’aujourd’hui. Il fut pourtant un des héros de l’escadrille Normandie-Niemen, ce groupe de chasse de la France Libre qui partit combattre au coté de Staline en 1943. Préziosi fut même le premier à remporter une victoire homologuée sur l’aviation allemande. L’auteur nous fait revivre l’épopée de ce jeune Corse qui ne put combattre en 1940, partit de Royan pour l’Angleterre en volant un avion, combattit en Afrique du Nord avant de mourir en U.R.S.S., descendu par la Luftwaffe prés d’Orel. Mais la légende s’invite au banquet de l’histoire. Au cours d’une mission en Lybie, Preziosi, abattu par un Messerschmitt allemand au dessus du désert, avait été recueilli par des Berbères et aurait eu une aventure avec une jeune femme qui ne pouvait avoir d’enfant avec son époux légitime. Un fils serait né : le futur colonel Khadafi.
« Ce vain combat que tu livres au monde », le dernier roman de Fouad Laroui publié chez Fayard, est une démonstration sur la dérive islamique des jeunes Arabes. Ali et Malika vivent à Paris, comme un couple moderne. Elle est institutrice, il est un brillant ingénieur. Brusquement, Ali se voit contraint de démissionner de son poste : son entreprise vient de gagner un contrat avec l’armée et sa condition de musulman, cousin de Brahim, un jeune intégriste, lui interdit de poursuivre son travail. De cette humiliation, perfidement accompagnée par Brahim, va naitre une dérive terroriste. Le roman est entrecoupé d’une ‘histoire de la fierté arabe’ et des humiliations aussi. De Nasser à Khomeiny, le monde arabo-musulman semble attendre une revanche sur la colonisation et les promesses non-tenues de Lawrence d’Arabie, effacées par les frontières artificielles de l’accord Size-Picot. Ali se sent de plus en plus étranger en France, exige de Malika qu’elle vive en ‘bonne musulmane’. Elle refuse d’être à son service, refuse son intégrisme religieux et se sera la rupture. Abreuvé par une histoire du monde revisitée par les islamistes, Ali n’a plus qu’une destination possible : la Syrie.
Roman intime et érotique que « Les corps de Lola » de Julie Gouazé publié chez Belfond. Lola semble avoir deux corps tout à fait distinct. Il y a Lola bleue, timide, réservée, mal à son aise, qui voudrait disparaitre derrière la conformité. Et il y a Lola rouge, Lola de feu, celle qui veut vivre jusqu’au bout ses désirs et ses fantasmes. Pourquoi participe-t-elle à des soirées échangistes ? Pourquoi se laisse-t-elle bander les yeux au cours de séances sado-maso ? Pour voir autrement, pour découvrir sa vraie vie intérieure, savoir qui elle est en dehors de tout préjugé social. Mais entre celle qui mène une existence banale et celle qu’un feu violent dévore au fond de son ventre, il semblerait qu’il n’y ait pas de juste milieu. Qu’est-ce qui réunit, en un même corps, deux êtres aussi dissemblables ? Ce que la tête de Lola interdit par morale, son corps l’exige par bravoure. Ce court roman est un long chant du désir du corps féminin.
C’est un roman débordant d’imagination où se rejoignent le désir, la gratitude, la justice et les rêves que nous propose l’Espagnol Natalio Grueso avec « La Soledad » paru aux Presses de la Cité. Bruno Labastide s’est installé à Venise au terme d’une existence errante. Un jour, il croise le chemin d’une jeune Japonaise d’une exceptionnelle beauté. Keiko ne lui concédera une nuit d’amour que s’il parvient à l’émouvoir avec un poème ou une histoire de son invention. Une sorte de « Mille et une nuits » à l’envers, un roman mosaïque aux récits entrecroisés, subtil et délicat qui nous fait naviguer sur les parfums de la création littéraire.
JEAN-LUC AUBARBIER.
Dédicaces à LALINDE le 18 août 2016 Article suivant
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