Le Tour des Livres.
Présenté par François Busnel, dans « La Grande Librairie », comme un chef d’œuvre du roman noir, « Evasion » de l’Américain Benjamin Whitmer (paru chez Gallmeister) surprend le lecteur par sa brutalité esthétique. Au cours de l’hiver 1968, douze hommes s’évadent d’une prison du Colorado. La tempête de neige et le froid risquent de les tuer aussi bien que les policiers et les gardiens qui les poursuivent. Pris dans ce double piège dont ils ne peuvent sortir, ils décident de rester dans le coin et de se faire oublier. Le roman est construit de manière chorale ; la parole y est tour à tour donnée aux évadés, aux policiers, aux gardiens, aux journalistes. L’écriture se fait à coups de poings rageurs. Comme dans « La poursuite impitoyable », le célèbre film d’Arthur Penn, il apparait bien vite que l’affaire va mal finir. Les délinquants ne sont pas des tendres ; ils font des victimes et les policiers n’ont aucune intention de les prendre vivants. Ceux qui ont gardé un peu d’humanité, les familles, les témoins, sont vite dépassés. « La quintessence du noir dans la plus magnifique tradition américaine » a écrit Pierre Lemaitre.
C’est un thriller qui étend sa matière dans le temps que nous offre Métin Arditi avec « Carnaval noir »paru chez Grasset. Une jeune étudiante consacre sa thèse à une série de crimes qui ont eu lieu à Venise, en 1575, pendant les fêtes de Carnaval. Elle est à son tour assassinée. Spécialiste de l’époque, le professeur Bénédict Hugues se retrouve au milieu d’une machination : un groupuscule d’extrême-droite veut laisser des islamistes abattre le pape, trop bienveillant à l’égard des migrants. L’énigme ne peut se résoudre qu’en répondant à une question historique : pourquoi la découverte de l’héliocentrisme par Copernic n’a pas entrainé la même réaction violente que celle de Galilée, plus tardive ? Et la réponse aux crimes du Carnaval noir se trouve au cœur d’un mythe accrédité par un tableau : celui du Christ aux douze doigts.
Romancier de l’école de Brive, Gilbert Bordes retrouvent l’époque maudite de l’Occupation avec « Elle voulait voir la mer » chez X.O. Jérémie, Rachel et Eloïse se cachent dans une ferme pour échapper aux rafles de la Milice. Ils sont juifs et leur père, un scientifique, est recherché par la Gestapo. Ils sont rejoints par Marguerite et Paul et les cinq jeunes fuyards décident de suivre la Loire jusqu’à l’océan. Là-bas, ils espèrent follement pouvoir embarquer pour l’Amérique. Une aventure pleine de rebondissements, dont le cours se révèle aussi long et sinueux que celui du fleuve.
Gallimard, dans sa collection Quarto, vient de publier les œuvres complètes d’Antoine de Saint-Exupéry sous le titre « Du vent, du sable et des étoiles » (titre américain de « Terre des hommes »). L’édition est enrichie de nombreux documents inédits ou méconnus. Les amateurs de l’écrivain pourront redécouvrir ses romans indémodables. Des tables et index permettent de naviguer dans l’ensemble de l’œuvre. Bon vol, cher lecteur.
Jean-Luc Aubarbier.
Salon du livre MENNECY ILE DE FRANCE, les 2 et 3 février 2019. Article suivant
Essor Sarladais du 25 janvier 2019