Tous gaullistes.
Le Tour des Livres.
Les Académiciens savent s’amuser et nous distraire. Avec « Ils voyagèrent vers des pays perdus », publié chez Albin Michel, Jean-Marie Rouart nous offre une uchronie en forme de pochade. Le roman part d’une idée exprimée par le général de Gaulle : « si Pétain avait rejoint Alger en 1942 (lors du débarquement en Afrique du Nord), que serais-je devenu ? » Pétain voulu par les Américains, prenant la tête de la lutte contre les Allemands, est acclamé par la France entière, dans un lâche soulagement. Il n’y a plus à choisir entre deux chefs. De Gaulle n’est plus d’aucune utilité. L’académicien nous montre, avec un humour féroce, les rivalités, les amours débridées et les petits arrangements des free French à Londres. De Gaulle ou comment s’en débarrasser. Poussé par Churchill, le général s’embarque avec ses derniers fidèles, à bord d’un vieil aviso : le Destiny. Destination : l’U.R.S.S. ou seul Staline lui conserve un semblant d’amitié. Une petite cour embarque avec lui : Kessel, Druon, Derrida, Raymond Aron et deux superbes créatures, lady Lindon et Léa, une actrice américaine. Son fiancé, le lieutenant Stanislas de Pontchartrain, idolâtre de général tout en collectionnant les succès amoureux. Une jubilation de lecture, dans un style Grand Siècle.
S’il faut en croire André Malraux, « tout le monde a été ou sera gaulliste ». C’est manifestement le tour de Michel Onfray qui, à la manière des « Vies parallèles » de Plutarque, nous propose, chez Robert Laffont « Vie parallèle. De Gaulle – Mitterrand ». Sa préférence va clairement à l’homme de Londres. Le premier donne sa vie pour sauver la France ; le second donne la France pour sauver sa vie. L’un veut une France forte, grande et puissante, à même d’inspirer une Europe des patries ; l’autre la veut faible, petite et impuissante, digérée par l’Europe du capitalisme. L’un ressuscite Caton ; l’autre réincarne Néron. De Gaulle se sait et se veut au service de la France. Mitterrand veut une France à son service. L’un sait avoir un destin ; l’autre se veut une carrière. Une contre-histoire du XX° siècle.
Rien de tel qu’un historien anglais pour mieux connaitre celui que Churchill a accueilli à Londres. Dans son « De Gaulle. Une certaine idée de la France », publié chez Seuil, Julian Jackson explore toutes les dimensions du mystère de Gaulle. Personne n’avait mieux décrit ses paradoxes, ses ambiguïtés, sa passion pour la tactique militaire qu’il applique à la politique. Son humour féroce, pétri d’intelligence, et son caractère vindicatif y sont brossés de main de maître. L’histoire coloniale de la France, sa place en Europe et dans le monde sont également au menu de cette biographie pour notre temps.
En Poche à La Table Ronde, Jean-Claude Perrier nous propose « De Gaulle vu par les écrivains ». Classés par ordre alphabétique, d’Aragon à Zagdanski, ils sont 32 auteurs à s’être exprimé sur le Général. Des amis, pas tous bienveillants ; des adversaires parfois admiratifs, l’ouvrage rassemble les citations de Mauriac, Malraux, Céline, Debray et beaucoup d’autres.
Jean-Luc Aubarbier.
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