Gardiens du monde.
Le Tour des Livres.
Les lycéens du prix Renaudot ont décerné leur récompense à Jean-René Van Der Plaetsen, un spécialiste de la chose militaire, déjà primé pour son premier roman « La Nostalgie de l’honneur ». Publié chez Grasset, son deuxième opus, « Le métier de mourir », raconte avec détails trois jours de la vie d’un groupe de soldats, à la frontière entre Israël et le Liban. En 1985, dans ce Liban ravagé par les combats, une guerre de civilisations vient de commencer. Ils appartiennent à l’ALS, une armée libanaise alliée à l’état hébreu. Leur mission : filtrer les véhicules sur un point de contrôle. L’ONU aussi bien qu’Israël redoutent une attaque du Hezbollah, surtout un attentat suicide. Belleface, le chef, a tout connu : colonel au sein de Tsahal, l’armée israélienne, il est d’origine polonaise. Il a connu Treblinka, où toute sa famille a péri, avant de s’engager pour l’Indochine dans la légion étrangère. Il prend sous sa protection Favrier, un jeune Français qui s’est engagé par idéal, suite à une déception amoureuse. Le texte remarquable, que l’on peut comparer au « Désert des Tartares » de Dino Buzzati, est scandé par les beaux vers tirés de l’Ecclésiaste, que le vieux militaire cite à tout propos.
C’est un roman de légère anticipation que nous propose Philippe Djian, avec « 2030 » paru chez Flammarion. Dans un monde écrasé par la chaleur du réchauffement climatique, Greg travaille pour Anton, l’époux de sa sœur Sylvia, au sein d’une entreprise de produits chimiques. Il a accepté de trafiquer les résultats d’analyse pour pouvoir continuer à vendre un produit dangereux, mais il n’en est pas fier. Sa nièce Lucie, 14 ans, s’engage dans un groupe écologiste. Tout le monde est conscient du danger, mais personne ne veut perdre son niveau de vie. Greg développe avec la libraire militante Vera une amitié amoureuse qui réprime leurs désirs. Les manifestations se font de plus en plus violentes, l’incompréhension est totale entre ceux qui veulent garder leur emploi et ceux qui tentent d’arrêter la course vers l’apocalypse. Un roman où courent les sous-entendus, l’hypocrisie générale, survolé par la figure de « la jeune fille aux nattes », une Greta Thunberg jamais nommée.
Même climat social douloureux pour « Amanita », le premier roman de Julien Guerville, publié chez Calmann-Lévy. Calvin est un marginal rangé : de jour, il travaille à l’usine pétrochimique de Poghorn ; la nuit, il ramasse des amanites tue-mouches, ces beaux champignons rouges à pois blancs, pour fabriquer des pilules hallucinogènes. Un soir pas différent des autres, Kimiyo, la femme de son frère, frappe chez lui, le visage ravagé par les coups. Le même jour, la télévision annonce la fermeture de l’usine. Un style fracassant et poétique à la fois, pour un vrai roman noir.
C’est au cœur de la France profonde, près d’un village à moitié déserté, que Marie Nimier a situé l’action de son roman « Le palais des orties », publié chez Gallimard. Dans une ferme à peu près en ruines, Nora et Simon vivent avec leurs deux enfants. Ils vivent chichement de cette herbe que tout le monde déteste : l’ortie. Et leurs champs n’en manquent pas (pour ceux qui n’y ont pas goûté, c’est excellent, la soupe d’orties). Ce n’est pas le retour à la terre ou la joie dans la nature, mais chacun se débrouille. Un jour, pas différend des autres, débarque Frederica. Contre le gîte et le couvert, elle offre ses bras. Une passion irrépressible et destructrice va naitre.
Jean- Luc Aubarbier.
Essor Sarladais du 5 février 2021. Article suivant
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