LACOMBE LUCIEN EN IRAK
Le Tour des Livres.
Voilà un roman excellent, passé inaperçu à la rentrée. Sherko Fatah, écrivain allemand d’origine kurde, nous révèle un aspect méconnu de la seconde guerre mondiale avec « Un voleur de Bagdad », paru chez Métailié. Dans les années 30, à Bagdad, Anouar, jeune homme pauvre et rêveur, fréquente les familles juives et bourgeoises de la ville et tombe amoureux de Mirjam. Repoussé par la belle, il rejoint une bande de voleurs qui œuvre pour les Chemises Noires, des Nazis irakiens qui veulent livrer le pays à Hitler. Anouar n’est pas vraiment un ‘méchant’ ; il veut réussir, être reconnu. Un putsch met aux commandes de l’Irak, Hadj Amine el Husseini, le leader du monde arabe, allié aux Nazis et Anouar parvient à protéger celle qu’il aime et sa famille des pogroms. La contrattaque anglaise va chasser le jeune homme, qui gagne l’Allemagne, aux cotés d’Husseini. Il doit s’engager dans la SS et combattre sur le front de l’Est où il participe à la liquidation du ghetto de Varsovie. Témoin des évènements, Anouar n’en est pas moins complice de crimes. Il finit par regagner son pays où il retrouve un criminel de guerre nazi réfugié.
Lalia, l’héroïne de « Nuèch Blanca », le dernier roman d’’Adeline Yzac, paru au Chèvre-feuille étoilé, souffre de la maladie des enfants de la lune. Elle ne supporte pas la lumière et ne sort que la nuit. Son rêve d’enfant : voir un jour la neige. Angèle, son arrière-grand-mère, réalise son désir en l’emmenant à la montagne, avec moult précautions. A la joie de l’enfant va succéder un bouleversement dans la vie de l’aïeule.
Eve Ricard, qui vit en Périgord, nous propose, préfacé par son frère Matthieu, « Une étoile qui danse sur le chaos » aux éditions Albin Michel. Ce témoignage courageux sur la maladie de Parkinson affirme que vivre avec une maladie ne consiste pas en devenir cette maladie. Eve aime la vie, fixe avec enthousiasme cette étoile qui danse au dessus du chaos de son corps, nous montre sa joie, son espérance, la poésie qu’elle met dans son existence, « une mélodie émouvante et sublime ». Un bel exercice de liberté.
Célèbre auteur de thrillers ésotériques, l’américain Steve Berry nous livre, au Cherche-Midi, « Le Secret du Graal ». L’ouvrage nous promène, dans une quête effrénée, du suaire de Turin à la tombe de Jésus-Christ, à travers un roman polyphonique qui traverse les siècles. En 33, un mystérieux visiteur remet à Judas la coupe dans laquelle Jésus doit boire au cours de la Cène. En Normandie, en 1450, le chevalier Thomas Malory découvre un manuscrit relatif au roi Arthur. A Londres en 2014, Arthur Malory, son descendant, assisté de Claire, une jeune physicienne française, se passionne pour le secret du Graal. Leurs recherches les conduit à Montserrat, en Catalogne, puis à Jérusalem.
Le même Steve Berry, chez le même éditeur, publie « L’Héritage Occulte », où l’on retrouve son héros récurrent Cotton Malone. En 1863, Abraham Lincoln a confié un lourd secret d’état au leader des Mormons, rallié à sa cause. En 2013, Malone, qui travaille pour les services secrets, rencontre en Suède un mystérieux interlocuteur qui lui livre peu à peu toute l’affaire. L’histoire des Etats-Unis s’en trouve éclairée d’un jour nouveau.
Chez Gallimard, l’Espagnol Manuel Rivas publie « Tout est silence », un roman d’une étonnante beauté. La côte galicienne, au nord de l’Espagne, est un repaire de contrebandiers depuis le moyen-âge. Mais quand le village de Notia devient un centre mondial du trafic de drogue, la vie change pour ses habitants. C’est ce mouvement, ce bouleversement que tente de saisir Manuel Rivas. Deux générations vont s’affronter, et les anciens ne reconnaitront plus leurs enfants. Et les dealers Leda et Brinco, sont désormais traqués par Fins, leur ami d’enfance.
JEAN-LUC AUBARBIER.
ESSOR SARLADAIS du 23 janvier 2015. Article suivant
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