LIRE OU CROIRE EN DIEU
Le Tour des Livres.
Avec « Une éducation catholique », paru chez Gallimard, Catherine Cusset poursuit le ton très religieux de cette rentrée littéraire. Elevée entre un père très croyant et une mère athée, Marie, la narratrice, se complet dans une vie rituélisée et une religion de la morale. A douze ans, elle délaisse la pratique, qui ne lui apparait plus que comme du temps perdu, au profit de la lecture. Adolescente introvertie, égoïste et orgueilleuse, elle découvre l’amour avec son amie Ximena, en qui elle place toute la foi qu’elle a reçu dans son éducation. La mort du bébé de sa sœur Anne achève de la libérer de la religion, tandis que Samuel, l’homme qu’elle aime, la libère de Ximena. La foi en quoi que se soit n’est-elle qu’une aliénation ?
Chez Grasset, Christophe Donner peut se targuer du titre le plus long. « Quiconque exerce ce métier stupide mérite tout ce qui lui arrive » est une citation d’Orson Welles à propos du cinéma. Dans les années 60, en France, il semble que le cinéma puisse réinventer le monde. Autour d’un Godard déifié, les artistes ‘révolutionnaires’ s’agitent dans leur petit monde en fait assez superficiel, comme des poissons dans un bocal. Claude Berri, le timide débutant, a épousé la sœur du producteur aventurier Jean-Pierre Rassam, dont la sœur, Arlette, vit avec le puriste Maurice Pialat. Bardot, Trintignant, Rohmer, Truffaut agitent le microcosme dans une époque pleine d’espoir. Il semblait que tout était possible….. c’était hier.
Chez Robert Laffont, Ken Follett publie « Aux portes de l’éternité », troisième épopée romanesque consacrée au XXe siècle. Entre l’édification du mur de Berlin en 1961, et l’effondrement de l’Union Soviétique en 1990, se déroule la guerre froide, cette troisième guerre mondiale qui ne veut pas dire son nom. Entre Allemagne, Viet Nam et Sibérie, le destin de plusieurs familles se jouent sur des coups de dés et des destinées effroyables. L’individu qui n’a jamais autant aspiré à exister prépare une révolution planétaire. Du secret de l’espionnage à la communication tout azimut, le XXIe siècle est déjà en marche.
Auteur d’une centaine d’ouvrages, Jean Anglade va fêter ses cent ans ; toute une vie consacrée à la littérature. Il publie, aux Presses de la Cité, « Les Convoités ». Le roman nous conduit dans cette étrange ville de Trieste, à la frontière de l’Italie et du monde slave, sur les pas d’Elio Battilana. Fils d’un héros disparu pendant la guerre de 14, sa mère s’étant remariée avec un Slovène, il traine dans les rues de cette ville désormais italienne, tandis que le fascisme commence son ascension.
Chez Buchet-Chastel, le Brésilien Michel Laub publie « Journal de la chute ». Le narrateur revisite jusqu’à l’obsession trois catastrophes qui ont touché sa famille. Celle du grand-père suicidaire, rescapé d’Auschwitz, qui taira jusqu’au bout l’horreur des camps, celle de Joao, un jeune goy brimé par ses camarades de classe, enfin sa propre plongée dans l’alcool et la dépression. Un ouvrage époustouflant de précision littéraire, de minimalisme et de puissance émotionnelle.
Chez Actes Sud, Eric Vuillard nous raconte l’histoire de Buffalo Bill dans « Tristesse de la terre ». En mettant en scène la conquête de l’Ouest, William Cody a posé pour le grand public tous les grands mythes américains. Mais il a aussi caché une réalité beaucoup plus noire, faite du mépris de la nature et des premiers habitants, les Indiens, réduits à une caricature. Ce beau roman pose la question de fond qui nous concerne au premier chef : toute société n’est-elle pas un spectacle ?
JEAN-LUC AUBARBIER.
ESSOR SARLADAIS du 3 octobre 2014. Article suivant
LA JUGE QUI N’AIMAIT PAS JACQUES BREL