UN ROMAN TENDRE D’AKLI TADJER.
Le Tour des Livres.
L’univers littéraire d’Akli Tadjer est peuplé d’êtres ordinaires, de héros ‘normaux’ caractérisés par une insondable tendresse. Son dernier roman, « Les Thermes du Paradis », publié chez Jean-Claude Lattès, ne déroge pas à la règle. Adèle Reverdy possède un caractère joyeux, mais elle est bourrée de complexes. Sa sœur Rose, beaucoup plus jolie qu’elle, collectionne les hommes tandis qu’elle reste solitaire. Et puis son métier de croque-mort ne facilite pas ses relations avec les autres. Voilà qu’elle tombe amoureuse de Léo, un ancien trapéziste, aveugle et noir, devenu masseur. Elle est prête à tout pour lui, à lui offrir la couteuse opération qui pourrait lui rendre la vue. Mais quand il découvrira avec ses yeux tout neuf, la femme ordinaire qu’il dit aimer, sera-t-il encore amoureux ? Le voisinage avec la mort, seule égalité réelle entre les humains, a rendu Adèle philosophe. Un beau roman qui nous fait aimer ces perdants magnifiques débordant de normalité.
Au Masque, Denis Bretin et Laurent Bonzon nous proposent « Génération », dernier opus de leur trilogie intitulée « Complex ». Un peu partout dans le monde, des adolescents sont retrouvés morts devant leur écran d’ordinateur. Tous ont essayé, sans y parvenir, d’atteindre le dernier niveau d’un jeu d’arcane initiatique : Island qu’aucun magasin ne commercialise. Ex-flic d’Interpol en rupture de ban, Renzo Sensini tente de découvrir qui a lancé cette révolution souterraine et anonyme. Mais comment ne pas se perdre dans un labyrinthe où réalité et jeu se confondent. Sur une île aux formes mouvantes, et qu’aucune carte ne situe, d’étranges personnages contrôlent les soubassements du monde, n’hésitant pas à éliminer ceux qui en troublent la marche ou qui s’approchent trop près de la vérité.
Chez Gallimard, en « série noire », Pierric Guittaut nous propose un thriller paysan intitulé « La Fille de la pluie ». Perdu sous la pluie, Hugues, modeste clerc de notaire, croit voir un animal de la forêt traverser devant sa voiture. Il s’agit d’une fille, superbe et sauvage, surgit de nulle part. Tombé en panne, il demande l’hospitalité à la famille Girard qui l’accueille avec froideur. Il comprend qu’ils sont en conflit avec leur voisin, Pascal Martin, le beau-père de la splendide apparition. Avant qu’il puisse reprendre le cours de sa paisible existence, Hugues va se retrouver pris dans un engrenage de meurtres, sur fond de chasse et de convoitises de terres.
Chez Julliard, Christophe Mouton nous propose « Cocaïne », son troisième roman. Tarek fait partie de ces enfants de la banlieue chanceux qui ont pu intégrer Science-Po. Mais, sans cesse renvoyé à sa minorité ethnique synonyme de délinquance, il décide d’assumer à sa façon. Mettant à profit ses leçons de gestion, il devient le roi de la cocaïne en mettant à son service les réseaux de son quartier. Assez intelligent pour comprendre qu’il faut dételer à temps, une fois fortune faite, il entreprend de céder sa ‘petite entreprise’. Un roman drôle et cynique sur les manières de s’enrichir.
Jean de la Guérivière nous avait enchantés avec « Les bons pères », paru chez Seuil, où il racontait ses souvenirs du collège Saint-Joseph de Sarlat. Avec « Colonisation : carnets romanesques », publié chez Bibliomane, il s’adresse à notre mémoire pour évoquer l’époque des colonies françaises dans la première moitié du XXe siècle. A une époque que l’on disait ‘belle’, mais qui ne l’était pas pour tous le monde, les Français s’étaient construits un univers imaginaire et romantique, autour d’un empire qui se voulait exemplaire et porteur d’une ‘mondialisation’ sous couvert des puissances occidentales. Toute une époque !
Chez Trajectoire, Jacques Rolland nous propose un ouvrage historique des plus passionnants : « La Franc-Maçonnerie Féminine dans la Révolution Française ». Si la franc-maçonnerie n’a pas pensé la Révolution (contrairement à une légende bien établie), elle a vu ses membres se disperser dans les deux camps et a compté autant de guillotineurs que de guillotinés. Mais les femmes ont su trouver à travers cette institution porteuse de lumières, un excellent vecteur de leur émancipation.
JEAN-LUC AUBARBIER.
ESSOR SARLADAIS du 25 avril 2014. Article suivant
ESSOR SARLADAIS du 7 mai 2014.