LA MESURE DE LA DERIVE.
Le Tour des Livres.
Les critiques américains ont comparé « La mesure de la dérive », d’Alexander Maksik, publié chez Belfond, à « L’étranger » de Camus. Une même solitude, une même fière déchéance et un même sentiment de culpabilité hantent le héros des deux romans. Dans la chaleur estivale de l’ile de Santorin, Jacqueline erre, seule et affamée. Belle et fière, le corps tenaillé par la faim, elle refuse de voler ou de mendier et se nourrit de ce que les touristes laissent sur les tables ou dans les poubelles. Elle refuse toute aide, dort dans une grotte. Pour garder sa liberté, elle doit échapper aux rondes de la police et aux sollicitations des proxénètes. De quoi a-t-elle peur ? Qui fuit-elle ? Dans sa tête, elle parle avec sa mère, son père, son amant ; que sont-ils devenus ? Des souvenirs du Libéria la hantent, d’où semble venir sa déchéance. Une belle écriture évocatrice qui souligne les besoins du corps que n’altèrent ni la pauvreté ni la solitude.
Avec « Mort en été », publié chez NIL, Benjamin Black (pseudonyme de John Banville pour les thrillers), poursuit sa suite de polars irlandais. En 1952, prés de Dublin, le richissime patron de presse Dick Jewell est assassiné dans son château où il élevait des chevaux de course. Son épouse française ne semble ni surprise ni peinée. Cela n’empêche pas Quirke, le légiste, de s’amouracher de cette femme mystérieuse, tandis que son adjoint, David Sinclair, a intimement connu Dannie, la sœur du défunt. Les recherches du médecin-enquêteur vont le mener jusqu’à l’institution Saint-Christopher, un orphelinat où lui-même à passé ses années d’enfance.
Mazarine Pingeot a choisi de rompre avec la gravité de ses précédents romans en publiant chez Julliard « Les Invasions quotidiennes », une comédie légère sur les suites d’un divorce. Après s’être séparée de son époux, Joséphine se retrouve à converser plus souvent avec ses animaux ou avec des philosophes morts qu’avec ses semblables bien en vie. Auteur de livres pour la jeunesse, elle est en mal d’inspiration, harcelée de plus par son ex, et par son banquier inquiet du découvert sur le compte. Jusqu’à son lave-vaisselle qui la lâche ! Est-elle vraiment faite pour la solitude ? Un modèle de quadra, encore avide de vivre, et qui traine maladroitement son existence de mésaventure en désillusion.
La nouvelle collection « L’Histoire en roman » des éditions Plon nous réserve de jolies surprises, comme « Le jeu de quilles en or », sous la plume de Jean-Pierre Fournier-la-Touraille. Alors que la Terreur fait rage et que la guillotine fonctionne sans discontinuer, le révolutionnaire Hébert comprend que Robespierre va avoir sa peau. Il accepte donc d’aider un groupe royaliste à faire évader le Dauphin, prisonnier au Temple, pour l’emmener en Espagne. Restaurer la monarchie est le seul moyen qu’il a trouvé pour sauver sa tête. Mais en parallèle, deux gentilshommes modérés et désintéressés, Amblard de Montorgue et Bertrand des Roches, veulent extraire le malheureux enfant de sa sinistre cellule. Un jeu dangereux se met en place entre républicains, royalistes, ultras et réformateurs, tandis que l’amour se mêle à l’affaire. Un roman qui sait introduire du suspense dans la grande histoire.
Restons dans l’Histoire avec « Hanns et Rudolf » de Thomas Harding, publié chez Flammarion. Deux hommes ‘normaux’, deux Allemands, vont voir leurs destins s’opposer diamétralement. Rudolf Höss n’est pas né monstre, il l’est devenu. Après une enfance austère, il ne trouvera de famille que dans l’armée et le parti nazi. Progressivement, sans y être préparé, il franchit les échelons de l’horreur jusqu’à devenir le créateur du camp d’Auschwitz. Hanns Alexander est né dans une riche famille juive de Berlin. Après une jeunesse dorée, il fuit le Nazisme et s’engage dans l’armée britannique. A la fin de la guerre, il devient un chasseur de nazis. Hanns va traquer et arrêter Rudolf. Un ‘thriller vrai’ à lire absolument.
« La note du loup », de P.J. Parrish, publié chez Calmann-Lévy, est un ‘vrai’ thriller, et un bon. Journaliste célèbre, et porté sur l’alcool, Matt Owens se rend avec sa jeune sœur Mandy dans un club de Miami Beach. Au cours de la soirée, Mandy disparait ; on retrouve son corps, le lendemain. Sur son Ipod, Matt retrouve enregistré un air des Rolling Stones : « Too much blood », qui ne correspond pas aux goûts habituels de sa sœur. En remontant d’indice en indice, les musiques qui sont autant de pistes, Matt va se retrouver aux fonds des lieux les plus lugubres de la vieille Europe.
JEAN-LUC AUBARBIER.
Claude Diologent en dédicace le 10 mai 2014. Article suivant
Essor Sarladais du 30 avril 2014