PRIX MEDICIS.
Le Tour des Livres.
Avec « Il faut beaucoup aimer les hommes », prix Médicis 2013, paru chez P.O.L., Marie Darrieussecq nous propose un des romans les plus écrits de cette automne littéraire. Elle est française, actrice et blanche ; il est canadien, réalisateur et noir. Dans l’univers artificiel d’Hollywood, ils vont s’aimer et leur chant d’amour est comme une mélopée, une incantation magique. Solange est obsédée par lui, Kouhouesso est obsédé par son projet de film. Après « Apocalypse now » de Coppola, il veut à nouveau adapter « Au cœur des ténèbres » de Conrad, mais dans son Congo natal, avec un univers africain et une ambiance coloniale. Mais tourner en Afrique, dans des conditions de sécurité inimaginables pour les assureurs, ce n’est pas une mince affaire. Par delà les stéréotypes du racisme et de l’homme africain, la romancière nous fait surfer sur la peau de ses personnages, cette peau dont la couleur les attire et les sépare, avec des phrases poétiques et rythmés comme un soir dans la jungle africaine.
Ce sont les amours et les haines de deux sœurs que nous invite à découvrir Delphine Bertholon, avec « Le soleil à mes pieds », publié chez Jean-Claude Lattès. Petites, elles sont restées deux semaines enfermées prés du cadavre de leur mère. Puis ce fut l’épreuve de l’orphelinat, toujours ensemble. Terrible héritage qui vous invite à rater votre vie ! Dix-sept ans plus tard, l’ainée est devenue un être tyrannique, nymphomane, désordonné et obsédé par tout ce qui touche à la mort. La cadette vit dans l’obsession de l’hygiène, la solitude et n’a jamais pu nouer la moindre relation. L’ainée maintient sa petite sœur dans une dépendance affective, mais l’arrivée d’un nouvel élément va chambouler leur existence.
Chez le même éditeur, le Chilien Roberto Ampuero (ministre de la culture de son pays) nous offre un roman sur le désenchantement idéologique avec « Quand nous étions révolutionnaires ». Le narrateur, jeune étudiant, fuit son pays après le coup d’état de Pinochet et se réfugie en Allemagne de l’est. Amoureux de Margarita, il la suit à Cuba pour y vivre dans l’idéal communiste. A La Havane, il ne voit qu’injustice, violence, censure et persécutions. Heureusement pour lui, la valeur de Cuba réside dans les qualités de son peuple plutôt que dans son idéologie.
La narratrice de « La Transcendante », que Patricia Reznikov publie chez Albin Michel, pense bien tout perdre quand son appartement est ravagé par un incendie. Le seul ouvrage rescapé de sa bibliothèque est « La lettre écarlate » de Nathaniel Hawthorne. Convaincue qu’elle trouvera dans la lecture de ce livre la condition de sa renaissance, elle part en Nouvelle-Angleterre, sur les traces du grand écrivain romantique. Quand le rêve américain et le besoin de rédemption par la littérature se rencontrent, ils donnent naissance à un beau roman.
Un pays imaginaire d’Europe centrale, la Marsovie, sert de cadre au premier roman de Frédéric Verger, « Arden », publié chez Gallimard. Tandis que le Nazisme gronde aux portes du pays, Alexandre et son ami Salomon composent des opérettes qu’ils n’achèvent jamais. Lorsque commence la persécution des Juifs, Salomon et sa fille Esther sont en danger. Alexandre, tombée amoureux d’Esther, et Salomon vont devoir transcender leurs talents pour enfin terminer une œuvre … qui pourrait bien leur sauver la vie. Un roman rythmé et symbolique.
Les habitants de Pepys road sont les héros collectifs du roman de John Lanchester, « Chers voisins », publié chez Plon. Devenue veuve, Pétunia, la doyenne, se demande si elle ne doit pas vendre sa maison. Roger et Arabella se réjouissent de la somme d’argent qu’ils vont pouvoir dépenser en fin d’année. Une famille pakistanaise, qui tient l’épicerie locale, s’entasse dans un minuscule appartement. Le monde évolue, la clientèle s’embourgeoise et repousse au loin les plus pauvres. Mais un courrier mystérieux est envoyé à chacun des habitants, mentionnant « nous voulons ce que vous avez. » C’est toute une comédie humaine qui prend place dans ce microcosme ; un petit monde qui va être détruit par l’évolution sociale et économique.
JEAN-LUC AUBARBIER.
Essor sarladais du 27 12 2013 Article suivant
LES CHATEAUX DU PERIGORD