Des essais par temps de guerre.
Le Tour des Livres.
Jamais on n’a vu autant de généraux français sur les chaines d’information télévisées. Est-ce un signe ? Les guerres qui ravagent l’Ukraine et le Proche-Orient semblent soudain être à nos portes. Alexandra Saviana, journaliste à l’Express, nous propose un ouvrage aussi utile qu’effrayant « Les scénarios noirs de l’armée française », publié chez Robert Laffont. Qu’adviendrait-il si la Russie envahissait les pays baltes ? Ou si le Mali tombait entre les mains des djihadistes ? Si la Chine faisait le blocus de Taïwan ? Si Israël bombardait l’Iran ? L’armée française, dans le secret de ses bureaux de prospective, prépare tous les scénarios. L’auteur nous en livre dix, s’appuyant sur ses connaissances en géopolitique et sur des heures d’interview. Le pire n’est pas toujours inévitable. Des dystopies qui n’ont rien de littéraires.
Comme pour le régime de Vichy, extraordinairement étudié par l’Américain Robert Paxton, faut-il faire appel à des historiens étrangers pour mieux connaitre notre histoire proche ? Spécialiste de la France pendant la seconde guerre mondiale, le Britannique Robert Pike vient de publier, chez Flammarion, « Oradour s’est tu ». Après la mort, l’an dernier, de Robert Hèbras, le dernier témoin survivant du drame, place doit être laissée désormais aux historiens. Pike revient dans les détails sur ce village vivant paisiblement, avec ses cafés, son école, ses familles solidaires. Il raconte minute par minute l’abominable crime commis pas la division das Reich, ce 10 juin 1944 : 643 personnes assassinées, les femmes et les enfants brûlés dans l’église, les hommes exécutés dans les granges. Il croise les témoignages, cherche les responsabilités de chacun. Pike travaille actuellement sur la Résistance rurale dans la France occupée.
Journaliste sur France culture, Léa Veinstein consacre un ouvrage aux incroyables pérégrinations des manuscrits de Kafka, de Prague à Tel Aviv. Le livre, intitulé « J’irai chercher Kafka », est publié chez Flammarion. On sait que l’auteur tchèque avait demandé à son ami Max Brod de brûler tous ses manuscrits après sa mort, promesse non tenue. Mais Max Brod a dû batailler, même après le décès de l’auteur, pour soustraire les chefs d’œuvre que sont « Le Procès », « Le château » ou « La métamorphose » à la destruction promise par les Nazis. Dissimulés au fond d’une valise, abandonnés dans un appartement peuplé de chats errants, revendus en Allemagne pour finir, après une extraordinaire saga judiciaire, en Israël. Un parcourt qui aurait pu inspirer un roman tragicomique à Kafka.
C’est une autre saga judiciaire, à laquelle il a participé, que nous propose l’avocat Emmanuel Pierrat avec « L’affaire Céline » paru chez Ecriture. En 2021, le Monde révélait que l’on avait retrouvé 6000 feuillets, constituant cinq ouvrages inédits du génial romancier, également connu, hélas, pour ses récits antisémites. Les œuvres, volées dans son appartement à la libération, avaient disparu pendant quarante ans. Les éditions Gallimard ont commencé à les publier : « Guerre », « Londres » etc. L’auteur raconte cette aventure littéraire et juridique.
Jean-Luc Aubarbier.
Salon Joséphine Baker, aux Milandes, les 22 et 23 juin 2024. Article suivant
Salon de Saint-Sulpice-les-feuilles, 30 juin 2024.