FRANKENSTEIN et compagnie.
Le Tour des Livres.
Il est convenu de dire que Franck Thilliez est un auteur de polars (excellents au demeurant), mais avec « La Faille », paru chez Fleuve Noir, il entre dans une autre dimension. Car le thème universel de ce roman est la mort, ou plus exactement : quand peut on dire avec précision qu’un individu est mort, et que se passe-t-il à cet instant ? Le commandant Sharko, et son épouse Lucie, également officier de police (héros récurrents de Thilliez) enquêtent sur un serial killer qui exécuterait des individus ayant connus des expériences de mort imminente. En particulier, ils cherchent à savoir ce qu’est devenue Emma Dotty qui a disparu sans laisser de trace. Au cours de leurs recherches, leur collègue Audra est grièvement blessée et tombe dans un coma irréversible. Son compagnon, Nicolas, refuse qu’on la débranche, car elle est enceinte. Le lecteur suit en alternance cette double réflexion sur la mort. Sharko plonge de plus en plus dans un univers à la Frankenstein tandis que Nicolas doit lutter contre ses abominables beaux-parents qui veulent en finir. Dans un même temps, l’auteur nous nourrit avec des recherches scientifiques sur le sujet. Le lecteur ne peut pas sortir indemne de ce roman, un des meilleurs de l’année.
Pour Douglas Kennedy, dans son roman « Et c’est ainsi que nous vivrons », paru chez Belfond, il s’agit plutôt de politique fiction, mais c’est tout autant dérangeant. En 2045, les Etats-Unis ont éclaté en deux nations qui se haïssent et s’opposent dans une guerre froide. Les états du centre, la Confédération, se sont ralliés aux thèses ultraréactionnaires : l’avortement y est puni de mort, la Bible est le seul livre de loi, tandis que les états des côtes est et ouest, la République, ont conservé la liberté de mœurs. Samantha, membre des services secrets de la République, doit infiltrer le camp adverse pour y éliminer Caitlin, sa demi-sœur, une impitoyable tueuse. Mais la leçon du livre n’est pas un affrontement entre le Bien et le Mal. Car, en République, chaque citoyen est surveillé en permanence grâce à un implant dans son cerveau. Le roman ne constitue pas un choix, mais une mise en garde contre les théories fumeuses des deux camps, et les dangers de la technologie.
Chez Albin Michel, c’est contre les théories politiques françaises que Marc Dugain nous met en garde dans « Tsunami ». Le président de la république a de plus en plus de mal à gouverner. En concentrant tous les pouvoirs, il se met une pression insupportable et ne parvient pas à décider sereinement des réformes à venir. Peut-être faudrait-il simplement laisser fonctionner la démocratie comme elle le devrait ?
Chez Flammarion, c’est notre XX° siècle que contemple Jérôme Hallier dans « La mécano de la Jamais Contente ». Nous sommes en 1898, les romans de Jules Verne occupent les esprits, l’exposition universelle de Paris, en préparation, doit sceller la domination de l’Occident sur le monde, la science va sauver l’humanité. C’est la Belle Epoque … et la Jamais Contente est une voiture électrique.
Jean-Luc Aubarbier.
Salon du livre de Lalinde, 30 septembre – 1 octobre 2023. Article suivant
Essor Sarladais du 29 septembre 2023.