FEMMES DE TERRAIN.
Le Tour des Livres.
Quatre romancières pour notre chronique de ce jour. Avec « Ce pays qu’on appelle vivre », édité chez Plon, Ariane Bois, qui est aussi grand reporter, rappelle à notre mémoire ce qu’a été le camp des Milles, près d’Aix-en-Provence, à travers un grand roman d’amour et de résistance. Caricaturiste de presse, juif et ancien combattant des Brigades Internationales, Léo Stein s’est réfugié en France quand il a vu les nazis brûler les livres en Allemagne. En juin 1940, il est brutalement arrêté par la gendarmerie française et interné, avec des milliers d’autres, au camp des Milles. Pétain a promis de livrer à Hitler tous les réfugiés étrangers. Malgré les effroyables conditions de détention, la faim et le froid, il retrouve des camarades, comme Lisandro, un ancien de l’Espagne, et profite d’une vie culturelle intense avec des détenus comme Max Ernst et Franz Hessel. Pour échapper aux griffes de la Gestapo, Léo doit s’évader. Il finit par rencontrer Margot Keller, volontaire d’un réseau de sauvetage. Leur amour tout neuf va souder leur projet. Mais, en cet été 42, n’est-il pas déjà trop tard ?
Chez le même éditeur, Alice Moine, qui possède quelques racines périgourdines, nous propose « Mère Nature ». On écrit beaucoup sur l’avortement, beaucoup moins sur la maternité. Surtout qu’après un accouchement traumatisant, la narratrice ne veut absolument pas d’un autre enfant. Pas question que l’on arrache d’elle, à nouveau, un morceau de chair. Lorsqu’elle se retrouve à nouveau enceinte, elle hésite : doit-elle avertir son compagnon ? Avorter sans rien dire ? Sa phobie du corps médical l’éloigne de cette solution. Rien n’est simple quand même. Salomé, sa fille de 9 ans, a fort peur que la Chose lui dérobe l’attention de sa mère. Alors cette fillette espiègle, débrouillarde et curieuse de tout va argumenter pour éluder le problème : comment peut-on envisager de mettre au monde un enfant, quand il y a la guerre à notre porte, le monde qui se détruit et la surpopulation ? Après tout, il y a peut-être plusieurs façons d’accoucher, dont une où l’on respecterait son corps, pense la maman.
La Québécoise Perrine Leblanc choisit le terrain de la guerre et du grand reportage pour nous livrer « Gens du Nord », chez Gallimard. En 1991, un journaliste français, jaloux de son indépendance, parcoure le monde dans ses endroits les plus dangereux. Il a manqué être exécuté par les islamistes, a rencontré des combattants prêts à tout, et pourtant animés par un idéal, a discuté avec des espions en tout genre. Un jour, il croise la route d’une jeune journaliste québécoise, fasciné par la figure de Samuel Gallagher, écrivain et militant de l’IRA, exécuté par un groupe paramilitaire.
L’Irlandaise Louise Kennedy nous propose, chez Denoël, un excellent premier roman intitulé « Troubles ». C’est une bouleversante histoire d’amour entre Cushla, une jeune catholique qui a fait allégeance à sa communauté, et Michael, un avocat protestant qui défend malgré tout les membres de l’IRA. Dans un climat aussi perturbé que celui de Belfast en 1975, les amours troubles sont interdites et dangereuses.
Jean-Luc Aubarbier.
Salon du livre de Saint-Martin-de-Jussac, 26 mars 2023. Article suivant
Essor Sarladais du 24 mars 2023.