CLIMAT.
Le Tour des Livres.
On ne présente plus Philippe Claudel, auteur des « âmes grises » et du « Rapport de Brodeck ». Avec Crépuscule », paru chez Stock, il nous entraine, à la fin du XIX° siècle, dans un pays imaginaire de l’Europe de l’Est, au climat glacial. Dans un petit village perdu, près de la frontière, où se mélangent des populations chrétiennes et musulmanes, le curé est retrouvé le crâne fracassé. Le capitaine Nourio, chargé de l’enquête, est un homme discret et efficace, mais il doit compter avec les désirs de ses supérieurs. Ne serait-ce pas une bonne chose que les musulmans soient déclarés coupables ? Une sourde menace, imprécise, plane sur le village, dans une ambiance qui évoque « Le Désert des Tartares » de Dino Buzzati. Nourio doit aussi compter avec sa propre ambition (il est prêt à tout pour espérer une promotion) et avec ses fantasmes qu’il projette sur Lémia, une adolescente du village. Son adjoint, le géant Baraj, qu’il méprise et prend pour un imbécile, veille en secret sur la fillette. Un roman tout en ambiance, aux allures de contes cruels.
Il faut être québécois, comme Jean-François Létourneau pour écrire un roman du Grand Nord comme « Le Territoire sauvage de l’âme » paru aux éditions de l’Aube. Guillaume, le narrateur, a décroché un emploi de professeur de français en territoire inuit. Il ne parle pas leur langue, supporte mal le climat, ne comprend pas ces douze adolescents qu’il doit instruire. « Le Nord, c’est chez eux » finit-il par comprendre. Ces gens du Nord aux cheveux noirs et aux yeux bridés sont en grand danger. Ils ont perdu leur pays avant que nous perdions notre planète. C’est par le sport, le hockey sur glace, qu’il va réussir son intégration et apprendre à aimer cette nature où bêtes et hommes sont liés. Le roman est écrit à la deuxième personne du singulier, un « Tu » qui dit l’intimité et la solitude.
C’est un deuxième roman court et étrange que nous livre Emilienne Malfatto (prix Goncourt du premier roman) avec « Le Colonel de dort pas », paru aux éditions du Sous-Sol. Une grande ville où il pleut sans cesse, dans un pays imaginaire en guerre. Tout semble enveloppé dans un brouillard, comme dans un rêve, un cauchemar. Spécialiste du renseignement, le colonel accomplit chaque jour son implacable office. La nuit, ses victimes viennent le visiter et prennent possession de ses songes. Deux autres hommes sont en perdition, en plus de ce tortionnaire torturé : l’ordonnance, fermée sur son silence, et un général qui devient fou.
Reporter de guerre, tout comme Emilienne Malfatto, l’Italien Paolo Rumiz nous livre ses réflexions sur la violence qui détruit le monde, dans « Le Fil sans fin », paru chez Arthaud. L’Europe pourra-t-elle se reconstruire sans une nouvelle guerre ? Où puiser nos racines ? L’auteur nous conduit sur les traces des disciples de saint Benoit de Nursie, et nous fait comprendre que l’on ne peut vivre sans une « règle » fut-elle monastique.
Jean-Luc Aubarbier.
Essor Sarladais du 17 février 2023. Article suivant
Essor Sarladais du 3 mars 2022.