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by • 15 février 2014 • Mes chroniques littérairesComments (0)4460

Essor Sarladais du 14 fevrier 2014

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Essor Sarladais du 14 février 2014.

LOOSER !

Le Tour des Livres.

 

Dans « La tête de l’emploi », publié chez J’ai Lu, David Foenkinos nous revient avec son antihéros traditionnel, quinquagénaire au physique quelconque, au prénom démodé, un personnage étonné d’être là et pas sur d’être à sa place. Bernard est quelqu’un qui vit à coté de sa vie, qui exerce avec talent un métier (banquier) qu’il n’a pas choisi, qui manque de la tendresse que ses parents ne lui ont pas donnée. D’ailleurs, tout va mal pour lui. Humilié par son patron, Bernard est licencié ; comme il ne se confie plus à sa femme, elle le quitte ; et leur fille part vivre aux Etats-Unis. Bernard se voit contraint de revenir vivre chez ses parents, des gens « oubliés par la mort » ; il devient un ‘Tanguy’, mais c’est lui qui est tyrannisé par leur vie étroite, le dogmatisme des horaires des repas et de la télé. Cet homme trop prévisible et taiseux est bien mal placé pour refaire sa vie ou retrouver un emploi. Jusqu’au jour où il s’aperçoit que la vie n’est un long fleuve tranquille pour personne. Dans ce roman, on trouve un Foenkinos au mieux de sa forme, qui sait nous rendre sympathique la banalité.

Chez Gallimard, Ian McEwan nous propose un roman d’espionnage atypique avec « Opération Sweet Tooth ». Pas de James Bond, de gadget, de revolver ni de poursuites en voitures dans cette histoire. Un goût prononcé pour la littérature soviétique dissidente va bouleverser le destin de Séréna, la narratrice. Au début des années 1970, elle est recrutée par le MI5 et, après quelques missions de renseignements sur l’IRA, se voit confier une tâche particulière. Elle doit  convaincre Tom Haley, un écrivain à la mode, de collaborer avec le MI5 pour développer une propagande anticommuniste. Elle pénètre d’abord l’univers romanesque de l’écrivain, le charme, puis tombe amoureuse. Cette situation ambigüe lui pèse. Lorsque le scandale de l’écrivain financé par le MI5 éclate, elle perd ses moyens. N’a-t-elle pas elle-même été séduite par son recruteur ?

On ne finira jamais de parler de la bête du Gévaudan. Dans « La bête », publié chez Albin Michel, Catherine Hermary-Vieille nous entraine sur les terres désolées de la Lozère, hantées par les loups et les superstitions. Quel est cet animal qui, délaissant les troupeaux, s’en prend aux femmes et aux enfants, et qui semble doué d’ubiquité ? Est-ce une bête à l’intelligence humaine, ou un homme retourné à l’état de fauve ? L’auteur revisite une histoire pas si rare (à la même époque, la bête du Sarladais dévore trente personnes), en nous plongeant au cœur de l’étrange et des peurs enfantines. Un texte brutal qui explore les méandres de l’âme humaine.

Chez Jean-Claude Lattès, le finnois Gaute Heivoll nos propose une histoire fascinante : « Avant que je me consume ». En 1978, le petit village de Kristiansand est la proie d’un incendiaire que rien ne semble pouvoir arrêter. La police ne dispose d’aucune piste. Pourtant, après une nuit pire que les autres, le pyromane cesse toute activité le jour du baptême de Gaute Heivoll. Car l’auteur s’implique dans l’histoire. Avec son style puissant et poétique, il incarne à la fois l’incendiaire, l’enfant marqué par des faits qui échappent à sa mémoire, et l’écrivain qui reconstitue une réalité plus vraie que le réel.

Chez le même éditeur, Fabienne Kanor nous propose un très beau roman d’apprentissage avec « Faire l’aventure ». Dans son village du Sénégal, Biram rêve d’un ailleurs où il serait riche, bien habillé, où il conduirait de grosses voitures et séduirait des filles. Marème, son premier amour, une fille de la ville, rêve elle-aussi d’un ailleurs. Pourtant, tout ce qu’ils voient de leurs désirs, ce sont des femmes qui pleurent un mari ou un fils disparu, ou des ‘anciens combattants’ qui ont échoué et tout perdu. Mais le rêve est le plus fort ; ils partent pour « faire l’aventure ». Ténériffe, Lampedusa, une dangereuse épopée. Ils échoueront sur la terre de Sicile, où ils ne seront plus que deux étrangers qui partagent des souvenirs d’enfance, la peur, l’impatience et le sentiment de s’être perdus en route.

 

 

                                                                      JEAN-LUC  AUBARBIER.

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