EPRIS DE JUSTICE.
Le Tour des Livres.
Auteur rare (un roman tous les 4 ans) et talentueux, Adrien Bosc nous livre un épisode méconnu de la vie de la philosophe Simone Weil dans « Colonne », publié chez Stock. Influencée par la pensée du Périgourdin Léon Bloy, la jeune femme, d’origine juive, se convertie à un catholicisme intransigeant, appliqué dans la vie quotidienne. La justice n’est pas un mot, mais une règle de vie. Philosophe, elle est devenue ouvrière. Après avoir harcelé le patronat en 1936 pour qu’il améliore le sort des prolétaires, elle s’engage dans la guerre d’Espagne. Ne jamais être en arrière, telle est sa devise. Agir, penser, écrire, c’est une même chose, dit-elle. A 27 ans, elle rejoint la colonne des anarchistes de Durutti en Aragon. Pacifiste, elle porte un fusil. Grièvement blessée, elle sera rapatriée après 45 jours de présence sur le front de l’Ebre. Elle écrit à Bernanos (le fils spirituel de Léon Bloy), résident aux Baléares, qui a lui aussi pris le parti de la République (il est ultra-monarchiste) et rédigé un témoignage poignant : « Les grands cimetières sous la lune ». Une attitude les réunit : l’engagement. Bernanos condamnera Vichy et le nazisme, Simone Weil gagnera la France Libre et mourra d’épuisement en 1943.
Le juriste Emmanuel Pierrat et le romancier Joseph Vebret ont réuni leurs talents pour nous donner, aux éditions des Escales, « Ernestine ou la Justice ». Dans ce roman à double intrigue, nous suivant l’interminable procès de l’assassin de Jean Jaurès. Auguste Villain, arrêté juste après le meurtre, le 31 juillet 1914, ne sera finalement jugé qu’après la guerre, en 1919. C’est un homme insignifiant, exalté, dont la mère est morte folle. Il a agit seul, par « patriotisme ». Nous suivant le procès à travers le personnage d’Ernestine, une jeune femme qui revendique sa liberté, non sans difficulté. C’est une époque où la femme ne dispose d’aucune indépendance, où elle doit subir la tutelle du père avant celle du mari. Ernestine profite de la guerre (les avocats sont au front) pour être reçu au barreau et échapper à un mariage forcé. Son patron, maitre Géraud, accepte de défendre Villain et la jeune femme le seconde. Dans l’euphorie de la victoire, Auguste Villain est acquitté ; il sera assassiné aux Baléares, par les Républicains espagnols.
Prix Pulitzer, Viet Thanh Nguyen nous propose un roman de haute qualité avec « Le Dévoué », paru chez Belfond. Vo Danh, son héros, déjà rencontré dans « Le Sympathisant » (prix du meilleur livre étranger) parvient à s’échapper d’un camp de rééducation vietnamien. Arrivé à Paris, au cours de l’été 1981, il se livre, avec son ami Bon, à un lucratif trafic de cannabis auprès des intellectuels de la capitale. Ils se retrouvent au cœur d’une lutte pour le territoire, avec des dealers algériens. De plus, leur tortionnaire au Viet Nam vient d’être nommé à l’ambassade à Paris.
Etrange aventure que nous narre Frédéric Verger avec « Sur les toits », publié chez Gallimard. En 1942, Helen, une chanteuse anglaise, vit à Marseille avec ses deux enfants. Malade, elle doit être hospitalisée. Craignant qu’on ne lui retire ses enfants, elle demande à son fils de construire, sur le toit de l’immeuble, un abri secret où ils pourront se cacher. Mais ils ne sont pas seuls à vivre ainsi. Ils ne font que rejoindre une population de marginaux qui redoutent la guerre, la police et les occupants.
Jean-Luc Aubarbier.
Foire du Livre de Naves (Tulle) 6 mars 2022. Article suivant
Mois du Polar à BRIVE, dédicace le 19 mars 2022.