Autant en emporte Hollywood.
Le Tour des Livres.
Pour son premier roman, publié chez Belfond, Jean-Baptiste Lentéric s’attaque à un monument, avec l’audace de sa jeunesse. « Herr Gable » débute par une tragédie authentique. L’acteur Clark Gable perd son épouse, l’actrice Carole Lombard, dans un accident d’avion, alors qu’elle participait à l’effort de guerre. Désespéré, il s’engage dans l’US Air Force et suit une formation de mitrailleur sur Forteresse Volante Boeing B17. Après avoir essayé de le dissuader, ses producteurs délèguent toute une équipe de cinéastes pour combattre à ses cotés à partir du sol anglais. En Allemagne, Hitler et sa maitresse Eva Braun sont des fans de l’acteur. Apprenant que Gable va opérer dans le ciel allemand, Hitler offre une récompense à qui le capturera (nous sommes toujours dans la réalité). Lentéric bascule dans l’uchronie en imaginant l’appareil de Gable abattu (il a effectivement été touché). Après une traque ‘hollywoodienne’, Gable est capturé et conduit face au dictateur. Une histoire à dormir debout … qui vous tient éveillé.
C’est toujours un régal de lire un roman de Jonathan Coe et « Billy Wilder et moi », paru chez Gallimard, ne fait pas exception. Calista, la narratrice, a consacré sa vie à écrire des musiques de film. Avec son époux, lui aussi cinéaste, ils constatent les difficultés du métier. 35 ans plus tôt, la jeune femme, alors âgée de 21 ans, a quitté Athènes pour visiter les Etats-Unis. Un soir, par hasard, elle se retrouve à la table de Billy Wilder. La jeune Grecque, qui ne connait rien au cinéma, va découvrir sa vocation. Comme elle, Wylder est un Européen qui se sent toujours en exil en Californie, malgré sa renommée. On l’admire, mais pour ces films passés. Lorsqu’il veut tourner « Fedora », sur une île grecque, il demande à Calista de lui servir d’interprète. C’est l’histoire d’un réalisateur sur le déclin… comme lui, qui veut redorer le blason d’une star déchue. Une écriture impeccable, élégante et classique. J’ai placé en exergue de mon dernier roman, la phrase de Billy Wilder, juif autrichien qui a fui son pays en 1934 : Les Juifs pessimistes ont fini à Hollywood, et les optimistes à Auschwitz.
Il est des films dont le tournage est déjà une aventure qui dépasse l’imagination (« Apocalypse Now », par exemple). Avec « Scarlett », publié chez Flammarion, François-Guillaume Lorrain redonne vie à « Autant en emporte le vent », de Victor Fleming, sortie en 1939. Les affres et les délices du tournage, ainsi que la galerie de portraits des intervenants, valent le détour. Le producteur, le douteux David O Selznick voulait en faire « le plus grand film de tous les temps ». Son épouse le poussa à jouer sa fortune en disant fort justement « c’est l’histoire d’une femme d’une liberté folle ». Le casting fut homérique : des milliers d’actrices postulèrent pendant 3 ans, avant que le choix ne se porte sur la très obstinée Vivien Leigh qui donnait la réplique au déjà célèbre Clark Gable. A sa sortie, on lui reprocha (déjà) de donner de la guerre de Sécession une vision nostalgique et raciste. Mais Hattie McDaniel, malgré les reproches de la communauté des acteurs noirs, reçut le premier oscar décerné à une actrice noire pour son interprétation de la nounou de Scarlett.
Achevons par la plus modeste scène française, avec Nicolas Le Floch, le héros créé par Jean-François Parot qui anime nos soirées télévisées. Après la mort de son créateur, il revient, sous la plume de Laurent Joffrin, avec « Le cadavre du Palais-Royal » chez Buchet-Chastel.
Jean-Luc Aubarbier.
Essor Sarladais du 4 février 2022. Article suivant
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