La grotte intérieure.
Le Tour des Livres.
Singulier roman que nous offre Héloïse Guay de Bellissen avec « Le dernier inventeur » paru chez Robert Laffont. Maylis de Kérangal avait déjà situé à Lascaux son « Monde à portée de main » (éditions Verticales). Ancienne libraire devenue romancière, Héloïse Guay de Bellissen nous entraine sur les pas de Simon Coencas, le plus jeune des découvreurs de la grotte, qui nous a quitté en 2020. Réfugié en Périgord avec sa famille à la déclaration de guerre, il a treize ans quand il pénètre, avec Marcel Ravidat, Georges Aniel et son meilleur ami, le montignacois Jacques Marsal, dans un trou de renard qui révèlera la chapelle Sixtine de la préhistoire. Mais son histoire sera différente, car il est juif. De retour à Paris à la fin de l’année 1940, il verra tous les siens partir pour les camps d’extermination en n’en jamais revenir. Lui-même n’échappera que par miracle. Alors Lascaux, pour lui, ce sera la dernière lueur de l’enfance, et une grotte-refuge qu’il construira à l’intérieur de sa mémoire. Lascaux et la Shoah sont les deux évènements qui ont marqué sa vie à tout jamais et de manière concomitante. Simon Coencas « un homme entré dans l’Histoire… et que l’Histoire a voulu anéantir. » L’auteure qui a longuement rencontré Simon avant son décès, se met elle-même en scène dans ce livre, et n’hésite pas à donner la parole à la grotte de Lascaux.
Avec « Histoire du fils » paru chez Buchet-Chastel, qui vient de recevoir le prix des libraires de Nancy – Le Point, Marie-Hélène Lafon nous conduit dans la quête de la filiation, de la recherche des origines. André a été élevé à Figeac par sa tante Hélène. Sa mère, Gabrielle, travaille à Paris et il n’a pas connu son père. Il se construit un présent, à travers le rugby, la Résistance, épouse Juliette, mais tout au long de sa vie pèse le poids de l’absent, une part manquante. Il apprend que son géniteur, Paul Lachalme, est né dans le Cantal, qu’il est avocat à Paris. Entre les silences de Gabrielle et la quête du père, il se fabrique une image en creux, celle d’un avare du cœur, resserré sur ses intérêts, qui n’a pas voulu de lui. Il pourrait le rencontrer, il fait même le voyage à Paris, pour, au final, ne pas sonner à sa porte. La vérité d’un être devenu père trop jeune se révèlera peu à peu. « Histoire du fils » est un roman déstructuré dans le temps, entre les origines du père, au début du XX° siècle, et la mort d’André cent ans plus tard. Comme toujours chez Marie-Hélène Lafon, l’écriture est remarquablement belle, centrée sur le geste précis et les sens.
Chez Calmann-Lévy, Michel Peyramaure nous propose « La Scandaleuse », l’histoire de Louise Labbé. Les femmes de lettres sont rares à la Renaissance, car l’écriture, comme la guerre, demeure une affaire d’hommes. Mais Louise est une femme libre. Elle n’hésite pas à apprendre le maniement des armes, déguisée en homme, auprès de son frère. Puis celle que l’on surnomme La Belle Cordière intègre, à Lyon, les poètes de la Pléiade dont plusieurs seront ses amants et lui dédiront des vers enflammés. On la traite de catin, on l’accuse de sorcellerie, mais elle n’abdique jamais cette liberté qui la caractérise. Et lorsqu’elle écrit, la sensualité de son style proclame encore sa totale indépendance.
Christian Laborie est cévenol, et n’aime rien tant que faire rayonner son pays dans ses romans. Paru aux Presses de la Cité, « Les Enfants du Val Fleuri » est une saga familiale, étalée sur plusieurs décennies, autour de la transmission du savoir-faire, et d’un métier : la poterie d’Anduze. Rivalités professionnelles et histoires d’amour seront au rendez-vous.
Jean-Luc Aubarbier.
Essor Sarladais du 2 octobre 2020. Article suivant
Essor Sarladais du 16 octobre 2020.