TROIS JOURS ET UNE VIE.
Le Tour des Livres.
Prix Goncourt 2013 pour « Au revoir là-haut », Pierre Lemaitre n’a pas oublié son passé d’auteur de polar en publiant un remarquable « Trois jours et une vie » aux éditions Albin Michel. Garçon solitaire, souvent moqué par ses camarades, Antoine, 11 ans, tue par dépit le petit Rémi, de trois ans son cadet, puis il cache le corps dans la forêt. Les trois jours de recherches qui s’en suivent sont un véritable « Crime et châtiment » : il veut de dénoncer, craint d’être découvert, cherche des traces de sa culpabilité dans chaque regard, chaque parole. Les gendarmes piétinent, les rumeurs enflent et la petite communauté de Beauval est en émois. La chance va sourire au jeune meurtrier : nous sommes en décembre 1999 et une gigantesque tempête va renverser les arbres, mutiler la forêt qui devient impénétrable. Notre Raskolnikov en herbe est-il sauvé ? C’est toute sa vie qu’il va devoir porter ce crime. Il grandit, quitte son village où il ne revient que pour voir sa mère. Mais peut-on échapper à un passé si lourd quand on a commis un crime si jeune ? Un faux polar où le coupable est connu d’entrée, mais un merveilleux travail psychologique.
Pour le plaisir, j’ai relu « Le Roi des Aulnes » de Michel Tournier en collection Folio (bientôt en Pléïade). Un de mes livres cultes ! Les tribulations d’Abel Tiffauges, soldat fait prisonnier en 1940, frappé du syndrome de l’ogre et de saint Christophe (le portage d’enfant) à travers la Prusse Orientale où les forêts semblent faites pour y perdre un Petit Poucet sont un chef d’œuvre. L’ogre se nomme Goering et il dévore aussi bien les jeunes Allemands qu’il envoie à la guerre, que les jeunes Juifs qu’il sacrifie en un sinistre holocauste. C’est un conte moderne, pour adulte, mais où la nostalgie de l’enfance n’est jamais loin. « La femme qui porte l’enfant doit aussi porter son deuil » dit une terrible sentence. Et une autre, tout aussi forte « je me demande si la guerre n’éclate pas dans le seul but de permettre à l’adulte de faire l’enfant…. Il s’amuse avec des camarades de son âge à manœuvrer des canons, des chars et des avions qui ne sont que la copie agrandie des joujoux de son enfance. »
C’est en Limousin, à la frontière du Périgord, en 1865 que Jean-Paul Romain-Ringuier situe l’action de son dernier roman « L’Or blanc des carrières », paru chez City éditions. Le jeune Henri, élevé par Maria, la servante du patron, se passionne pour les carrières de kaolin de la région de Saint-Yrieix d’où l’on tire la matière première pour fabriquer la fine porcelaine de Limoges. Il rêve d’y travailler à son tour, surtout qu’il n’est pas insensible au charme d’Albine. Mais lorsque le propriétaire est assassiné, il doit fuir, chasser par son remplaçant, un homme faible, manipulé par son épouse. Il fait carrière dans le commerce, à Paris, tout en rêvant toujours à l’or blanc du Limousin et à la belle Albine. Un jour, il se met en quête du secret jalousement gardé par Maria, la femme qui l’a élevé.
C’est en Périgord Noir que Noël Balen (le complice de Jean-Pierre Alaux dans « Le sang de la vigne ») et Vanessa Barot situent le premier tome de la série « Crimes gourmands) intitulé « Mortelle fricassé », publié chez Fayard. Lorsqu’Adèle Calmette, célèbre cuisinière d’une des meilleures tables du Sarladais, prend sa retraite, la journaliste culinaire Laure Grenadier, accompagné de son photographe Paco Alvarez, entend bien lui faire révéler quelques secrets. Hélas, ils arriveront trop tard ! Adèle est morte. Entre les plats succulents qui vous mettent l’eau à la bouche (dans la tradition des polars gastronomiques de Vasquez Montalban), les recettes de La Mazille et les bonnes tables du Périgord, il faudra beaucoup de persévérance aux deux journalistes pour percer le mystère de la mort d’Adèle.
JEAN-LUC AUBARBIER.
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