CODEX BOTTICELLI.
Le Tour des Livres.
Chapitres courts, titre énigmatique, « Codex Botticelli » d’Agnès Michaux, édité chez Belfond, a tout d’un thriller, mais c’est en fait un magnifique roman historique qui nous est proposé. Nous sommes à Florence, en 1497. La cité des Médicis, la gloire des arts et des lettres, qui a inventé l’humanisme et l’esthétique de la Renaissance, est tombée sous la coupe d’un moine fanatique. Savonarole utilise des commandos d’enfants pour brûler les œuvres impies, châtier les femmes jugées impudiques et parfois exécuter ceux qui n’acceptent pas l’ordre nouveau. Pic de la Mirandole n’a-t-il pas payé de sa vie ses théories nouvelles ? Même Marcile Ficin, le vieil alchimiste, est obligé de se cacher. La grande école de peinture, qui réunit Léonard de Vinci, Michel-Ange et Sandro Botticelli ne sait plus s’il faut fuir, résister ou se soumettre. C’est un des aspects les plus intéressants de ce roman : la tentation d’admirer le bourreau qui étreint le peintre. Mais un mystérieux document, rédigé en araméen, est remis à Botticelli, qui va bouleverser sa vie. Toute ressemblance avec la situation actuelle dans certains pays n’est nullement fortuite.
C’est un siècle plus tard, à Rome que le Hongrois Sandor Marai situe l’intrigue de « La Nuit du bûcher », édité chez Albin Michel. Le narrateur est un carme, venu d’Avila pour comparer les méthodes de l’Inquisition italienne avec l’espagnole qu’il pratique assidûment. Et il ne doute pas de la justice de sa mission. Le roi d’Espagne Philippe II n’a-t-il pas déclaré : « s’ils devenaient hérétiques, je réduirais en cendres mes propres enfants. » Avec son style magnifique, que l’on compare à Zweig, Marai décrit en détail les techniques barbares qui doivent à la fois punir le mal et sauver les âmes perdues. Mais l’homme qui se retrouve face à lui, cette nuit de l’an 1598, se nomme Giordano Bruno. Cet ancien religieux affirme que les âmes se réincarnent, que les planètes sont habitées et, surtout, que Jésus n’est pas Dieu, mais seulement un mage habile. Sauver l’âme de celui qui ne croit en rien est une mission impossible.
Chez Robert Laffont, Ingrid Desjours publie un excellent thriller « Les Fauves ». La belle Haiko dirige une ONG qui lutte contre le recrutement de jeunes djihadistes. Quand sa collaboratrice est assassinée et que les barbus lancent une fatwa contre elle, elle fait appel à un vétéran d’Afghanistan pour la protéger. Lars a vécu l’enfer, prisonnier des Talibans. Seule sa foi religieuse le préserve de sombrer ; mais il a gardé le goût des méthodes brutales. Trop pour une ONG humaniste. Mais Haiko elle-même, qui enlève les jeunes en partance pour le djihad et les recycle par la force, n’est pas exempte de critiques. Le portrait de deux êtres très abîmés par leurs expériences.
Chez le même éditeur, Jacques Sartor publie une autre ouvrage consacré à la violence « Les Affreux ». Philippe subit la mauvaise influence de son ami d’enfance, Baldo. Tout deux intègrent les rangs d’un groupuscule fascisant « La Ligue de Défense des Nations Européennes » qui, sous prétexte de défendre les valeurs occidentales, agressent les musulmans, les noirs et les juifs. Quand le président de la Ligue leur demande d’incendier un commerce juif pour faire accuser les arabes, ils acceptent sans hésiter. Mais l’affaire va déraper.
Pourquoi tant de violence ? nous demande Jean-Claude Guillebaud dans son essai « Le Tourment de la guerre » paru aux éditions L’Iconoclaste. « J’ai vu sur nos écrans parader des meurtriers qui soignaient la mise en scène de l’horreur : bourreaux cagoulés de noir, futures victimes en tenue orange. » Comment résister et combattre de telles horreurs sans devenir nous-mêmes des barbares ? Mêlant sa propre histoire à son talent d’analyste, l’auteur se plonge dans la fascination éternelle des hommes pour la guerre. Un terrible voyage au bout de la violence.
JEAN-LUC AUBARBIER.
RENCONTRE à la bibliothèque de COULOUNIEIX-CHAMIERS le 23 janvier 2016 Article suivant
DEDICACE A PERIGUEUX le 6 février 2016.