OPERATION NAPOLEON.
Le Tour des Livres.
L’Islandais Arnoldur Indidason nous livre, avec « Opération Napoléon », chez Métailié, un des meilleurs thrillers de la décennie. Dans les derniers jours de la guerre, un bombardier allemand doté d’un équipage américain s’écrase sur un glacier islandais. Cinquante ans plus tard, le géant de glace rend sa proie et les soldats américains basés en Islande semblent pris de folie. L’ile est quasiment placée en état de siège ; ceux qui s’approchent de l’épave sont abattus. Kristin, une jeune avocate, dont le frère figure parmi les victimes, veut absolument découvrir la vérité. Aidée par quelques amis, dont Steve, un membre de la base, elle entreprend un périlleux voyage à travers la nuit polaire et le désert de glace. Mais face à ses questions simples : ne sommes nous pas alliés, elle ne reçoit que des menaces du sinistre Ratoff qui dirige les opérations. Ce dernier a entreprit de découper l’épave pour la ramener aux Etats-Unis. Mais que contient-elle ? Des rumeurs parlent d’or dérobé aux Juifs, ou d’une bombe atomique nazie. Le secret de l’opération Napoléon est bien plus terrible que ça.
En 2009, Richard Millet avait donné, avec « Confession négative » (disponible chez Folio) le récit terrible et remarquable de son engagement, à 22 ans, dans les milices chrétiennes pendant la guerre du Liban. Avec « Tuer », paru chez Léo Scheer, il revient sur cette épisode de sa vie qui a déterminé son métier d’écrivain. L’expérience de la guerre, celle de donner la mort, sont devenues obscures pour les jeunes générations européennes. L’auteur montre l’enchainement des faits et des sentiments : les femmes, la guerre, l’écriture, comme le destin d’un héros de roman. « La guerre est venue à moi comme on rencontre une femme » écrit-il. Cette expérience fera rentrer le jeune Richard Millet dans la vraie vie, la tragédie humaine. Elle se confond avec l’expérience romanesque. Mais les morts ici sont bien réels.
Iranienne, Sorour Kasmaï a choisi d’écrire en français pour nous livrer un roman fort sur la révolution islamique « Un jour avant la fin du monde », paru chez Robert Laffont. A seize ans, Mariam découvre que la date de sa mort figure sur son livret de famille. Elle a été tirée du ventre de sa mère, décédée lors de l’effondrement de sa maison, et elle avait une sœur, morte elle-aussi, dont elle serait la résurrection. Les autorités religieuses s’emparent de son cas pour pouvoir rassurer la population perse, ravagée par les morts du conflit avec l’Irak. Un roman bâti comme une spirale infernale, entre guerre, légendes et intérêts politico-religieux.
Autre lieu de souvenirs terribles : la place Tian’anmen à Pékin où de jeunes étudiants subirent la répression du régime communiste. Yiyun Li, chinoise vivant aux Etats-Unis, a choisi la langue anglaise pour nous raconter, dans « Plus doux que la solitude », paru chez Belfond, le désarroi de ces migrants chinois qui peinent à se faire une place sous le soleil californien. Ruyu et Moran, deux jeunes femmes rescapées du massacre, souffrent de leurs blessures secrètes et du mal du pays. Auraient-elles du rester en Chine, comme leur ami Boyang ? Entre poids du passé et nécessité de s’adapter, trouveront-elles l’harmonie nécessaire ?
De bonheur déçu, il en est question dans le roman d’Amanda Sthers, « Les Promesses », paru chez Grasset. Alexandre a tout pour être heureux : amour, argent, soleil, plaisirs. Mais il s’aperçoit que, comme une malédiction antique, chaque promesse de bonheur porte en elle sa part d’ombre et de malheur. Entre Paris et la Toscane, sa vie est parsemée de belles choses, mais elle lui laisse dans la bouche, comme un goût amer d’insatisfaction. Vivre bien, en jouisseur, c’est aussi accomplir d’irrémédiables dégâts en soi et autour de soi.
JEAN-LUC AUBARBIER.
BRIVE, conférence sur la franc-maçonnerie, le 16 octobre 2015. Article suivant
DEBAT ALAIN SUBREBOST – JEAN-LUC AUBARBIER à Sarlat, le 6 novembre 2015