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by • 2 octobre 2014 • Mes chroniques littérairesCommentaires fermés sur ESSOR SARLADAIS du 3 octobre 2014.2999

ESSOR SARLADAIS du 3 octobre 2014.

couv les inoubliables

SOUVENIRS DE LA BACHELLERIE.

Le Tour des Livres.

 

Jean-Marc Parisis est un romancier à l’écriture rare et fine, qui nous avait enchantés avec « Avant, pendant, après », chez Stock. A l’occasion de cette rentrée littéraire, il nous propose un voyage dans le temps avec « Les inoubliables », chez Flammarion. Pour lui, La Bachellerie est ce village du Périgord où il venait passer ses vacances d’enfant, chez ses grands-parents. On n’y parlait presque jamais de la guerre, de la Résistance et des Juifs raflés. Un jour, il découvre la photo de cinq enfants qui, comme lui, ont joué dans les ruelles du village, cinq enfants juifs qui ne sont jamais revenu d’Auschwitz. Il mène son enquête, découvre un rescapé : Benjamin Schupack, qui a échappé à la tragédie, et dont le père tenait un journal. Avec tout son talent d’écrivain, Jean-Marc Parisis nous fait revivre La Bachellerie pendant la guerre : ces Juifs alsaciens qui sont arrivés en 1939, et qui sont restés après l’armistice. Il revient dans le village de son enfance, avec vingt ans de moins, se retrouve parmi ces innocents qui ne savent pas qu’ils vont mourir. La Bachellerie, c’est le village de madame Lagorce, la généreuse boulangère, et de son fils Guy, qui écrira « Le train du soir » pour dire son chagrin. C’est aussi le village du terrible Adolphe Denoix, le chef de la Milice, qui commence l’œuvre sinistre des arrestations avant qu’elle ne soit achevée par la division Brehmer en mars 1944. C’est aussi ce château de Rastignac, où allait jouer Jean-Marc, qui fut brûlé par les Nazis après qu’ils eussent volé la collection de toiles de maitres. Comment le passé nous habite, c’est ce que veut montrer ce très beau récit.

Emmanuelle Delacomptée vit une partie de l’année en Périgord. Son père, Jean-Michel, est l’auteur de ce très beau livre sur Montaigne et La Boétie « Et qu’un seul soit l’ami » (Gallimard). Elle vient de publier, chez Jean-Claude Lattès, son premier roman « Molière à la campagne », inspiré de son expérience de professeur de lettre. Après son concours, la narratrice est mutée pour son premier poste dans un collège rural de Haute-Normandie. Les élèves y sont tout autant indisciplinés et incultes que dans les grandes villes. Emmanuelle Delacomptée insiste sur le décalage entre leur culture de jeunes et la matière enseignée, s’amuse (pour ne pas s’agacer) du verbiage pédagogique de l’éducation nationale (pour laquelle l’élève se nomme un ‘apprenant’). Un témoignage qui confirme ce que l’on sait : il faudrait changer beaucoup de choses pour que cela marche mieux.

Chez le même éditeur, Eric Paradisi publie « Blond cendré ». Maurizio est un coiffeur juif à Rome en 1943. Tous les siens sont arrêtés tandis qu’il dort auprès d’Alba, la belle résistante. Tous les jours, jusqu’à leur arrestation, il coiffera et coupera ses cheveux admirables. Déporté, Maurizio devient le coiffeur du camp : il récupère les chevelures de celles et ceux qui vont mourir, pour en faire du tissu pour les Allemands. Son ami peintre a créé pour lui un portrait d’Alba d’après description. Soixante-dix ans après la mort de Maurizio, Flore, sa petite-fille, découvre le dessin.

La romancière allemande Mechtild Borrman publie au Masque, « Le Violoniste », un thriller qui nous perd dans la nuit du Goulag. Un terrible soir de 1948, le violoniste Ilja Grenko perd ses deux plus précieux trésors : son Stradivarius et sa famille. Alors qu’il sort d’un concert, il est arrêté et conduit à la Loubianka, le siège du K.G.B. Torturé, il finit par signer des aveux absurdes et est condamné à vingt ans de camp. Sa famille est déportée au Kazakhstan. Deux générations plus tard, son petit-fils Sacha tente de rétablir la vérité.

A la Table Ronde, Bruno Deniel-Laurent publie « L’idiot du Palais », son premier roman. Dusan est recruté comme agent de sécurité pour le Palais, une prison dorée des beaux plaisirs parisiens. Il se voit confier la mission délicate de pourvoir aux fantasmes du Prince et recrute pour lui Khadija sur les boulevards périphériques. Il retrouve par cet acte son goût pour la liberté, et signe sa propre perte. Un roman kafkaïen.

 

JEAN-LUC AUBARBIER.

 

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