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by • 5 octobre 2024 • Mes chroniques littérairesCommentaires fermés sur Essor Sarladais du 4 octobre 2024.68

Essor Sarladais du 4 octobre 2024.

RECONSTRUIRE.

Le Tour des Livres.

Donné favori pour le prix Goncourt, Kamel Daoud nous offre, avec « Houris », paru chez Gallimard, une œuvre d’une puissance inouïe. C’est un long cri intérieur, un cri muet puisqu’Aube, la narratrice a eu la gorge tranchée par les islamistes lors de la guerre civile qui ravagea l’Algérie pendant dix ans et fit 200.000 morts. Elle a survécu, mais n’a plus l’usage de ses cordes vocales. Cette héroïne muette est le symbole de toutes les femmes algériennes qui ne peuvent s’exprimer, car, avec la réconciliation, le silence s’est abattu sur la société et, au final, les islamistes ont investi l’’espace public. C’est un pardon sans jugement ni expiation. Enceinte, Aube s’adresse à la petite fille qu’elle porte dans son ventre, en se demandant si cela faut la peine de lui donner le jour. On pense à ce « Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas » du prix Nobel Imre Kertesz. Aube exerce le métier de coiffeuse, honni des fanatiques. Elle exhibe sa plaie, errant comme un monstre antique au milieu des vivants qui sont comme des morts, volant le peu de liberté qu’une femme peu avoir. Elle a déjà payé le prix. Tous les siens sont morts, et elle entreprend un pèlerinage morbide sur le lieu de son martyre, seulement forte de ses deux langues muettes : à l’extérieur, pour le quotidien, l’arabe, et le français pour discourir avec elle-même. Un roman magistral.

Avec son deuxième roman « La Danse des oubliés », paru chez Héloïse d’Ormesson, Nathalie Baravian propose un suspense à deux voix où prose et poésie se mêlent. Dans un village savoyard, Luce qui se rêve danseuse, voit sa vie bouleversée lorsque sa jeune sœur Maud est retrouvée noyée dans la rivière. Ce meurtre évoque celui d’Elsa (même âge, même lieu) commis trente ans plus tôt. Le meurtrier avait été arrêté, mais Luce est convaincue qu’il courre toujours. Elle s’associe à Matthias, le frère d’Elsa, pour découvrir la vérité. Dans le village, Matthias est surnommé « le Maudit ». On dit que ce taiseux aux allures de sauvage porte malheur.

Surprenant roman autobiographique que « Les enfants du large » paru chez Jean-Claude Lattès sous la plume de la Québécoise Virginia Tangvald. Ce premier roman prend la forme d’un journal. Alors que sa mère, en fuite l’avait emmené, encore bébé, loin des siens, le père de Virginia avait fracassé son bateau sur les récifs de l’île Bonaire, aux Antilles. Accident ou suicide ? Que fuyait donc Peter Tangvald, un aventurier passionné par la mer ? Peter et sa fille Carmen se sont noyés. Seul Thomas, le frère de Virginia, a survécu. . Il périra, des années plus tard, dans un autre naufrage. Qui était donc ce père ? Génial aventurier ou ogre démoniaque qui navigue sur les cadavres de ses femmes ? Comment vivre après ça ?  Une quête autour du monde, des Antilles en Europe et en Asie.

Comment sortir d’une enfance fracassée ? Actrice et autrice, Fabienne Périneau nous en donne la recette avec son roman autobiographique « Oser sortir et crier », paru chez Récamier. C’est une pièce « Agatha » et la rencontre avec son auteure Marguerite Duras qui vont l’aider à se débarrasser de ses blessures. Mais les blessures, toujours, ressurgissent. L’écriture devient l’autre remède pour dire l’indicible.

                                                               Jean-Luc  Aubarbier.

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