La double mort de Christopher Marlowe.
Le Tour des Livres.
Enigmatique, inquiétant et terriblement humain ; c’est ainsi qu’Emmanuelle Pirotte nous présente le poète et dramaturge Christopher Marlowe dans son roman « D’innombrables soleils » paru au Cherche-Midi. Pour les historiens, Marlowe est mort assassiné par des inconnus dans une taverne. La romancière imagine le rival de Shakespeare, blessé, recueilli par son ami Walter. Il délire, cherche à deviner qui a voulu sa mort. Serait-ce la reine Elizabeth, lassée de ses incartades, ses mœurs, ses blasphèmes, son athéisme ? Puis un miracle se produit : lui le sodomite au charme irrésistible tombe amoureux de Jane, l’épouse de Walter. Un amour partagé qui va rendre un peu de pureté à cet être qui ne croit en rien, si ce n’est en sa liberté, et qui profite de tout et de tous. La chair tout autant que les sentiments lient ces nouveaux Roméo et Juliette. Marlowe instruit et effraie Jane par ses théories condamnées par toutes les religions (comme Giordano Bruno, brûlé en 1600 à Rome, Marlowe croit que l’univers est infini et peuplé de millions de planètes portant toutes des civilisations). Un court répits avant qu’il ne retombe dans ses errances sans issues. Un roman magnifiquement écrit dans un style ciselé comme une dague.
Confrontation de génération dans le dernier roman de Christian Signol paru chez Albin Michel : « Même les arbres s’en souviennent ». Lucas ne supporte plus la vie parisienne et le monde des affaires. A trente ans, il largue tout et regagne Limoges où vit Emilien, son arrière-grand-père. Né dans un hameau du Limousin en 1915, Emilien peut dire que le siècle lui a passé dessus. Les guerres, les crises économiques, le surendettement et la désertification du monde rural, il a tout connu, tout affronté. Tout en recueillant la mémoire de son aïeul, Lucas décide de relever un nouveau défi : restaurer la maison familiale où les siens ont vécu.
Si vous voulez écrire, Haruki Murakami, le grand romancier japonais, vous propose de bénéficier de son expérience en douze leçons avec « Profession romancier » paru chez Belfond. Que faut-il pour écrire ? Un certain goût pour la solitude, un besoin de s’exprimer, un désir d’observer la société… et puis il faut se lancer. En fait, l’écriture, c’est la vie, car il s’agit bien de rendre vivant pour le lecteur une histoire et des personnages. Murakami en profite au passage pour égratigner le monde littéraire et ses artifices. Les éditions Belfond rééditent également trois de ses chefs d’œuvre : « La fin des temps », « La Course du mouton sauvage » et Danse, danse, danse ».
Il est tellement discret que beaucoup de lecteurs ignorent qu’un grand écrivain réside à quelques kilomètres d’ici. Le Corrézien Pierre Bergounioux » est assurément une des plus belles plumes de la littérature française. En édition de poche, Folio vient de rééditer « Le premier mot », une bonne occasion de découvrir cet auteur. C’est un roman d’éducation, une sorte d’acte primordiale qui permet de comprendre comment Pierre Bergounioux a pu consacrer toute son existence à l’écriture, sans chercher la reconnaissance du grand public, mais en fouillant dans son passé, et dans la riche mémoire et la belle expérience de son grand-père.
Jean-Luc Aubarbier.
Essor Sarladais du 27 décembre 2019 Article suivant
Chronique littéraire du 24 janvier 2020.